Pourquoi les humains ont-ils de si gros cerveaux ? Certains chercheurs ont posé la question à un cerveau très puissant - un ordinateur - et ils ont obtenu une réponse surprenante.

Comparativement à la taille du corps, nos cerveaux sont énormes, environ six fois plus gros que ce que l'on pourrait attendre d'autres mammifères. Et cet organe de 1,36 kg absorbe 20 % des besoins énergétiques du corps. La théorie évolutionniste dit qu'il doit y avoir eu une très bonne raison pour construire et maintenir quelque chose qui consomme autant d'énergie.

Mais pourquoi ? Nos ancêtres avaient-ils besoin de plus de puissance cérébrale pour affronter leur l'environnement, comme trouver et stocker de la nourriture ? Ou était-ce davantage motivé par les complexités sociales de traiter avec leurs pairs ? Ou s'agissait-il du défi d'apprendre et d'enseigner les connaissances culturelles ?

Dans le passé, les scientifiques ont tenté de dégager une réponse principalement en analysant les corrélations, comme la façon dont la taille du cerveau se rapporte à la taille des groupes sociaux des singes vivants et de nos ancêtres fossiles.

Mauricio Gonzalez-Forero et Andy Gardner de l'Université St. Andrews en Écosse se sont plutôt tournés vers des modèles informatiques. Ils dévoilent leurs conclusions dans un article publié mercredi par la revue Nature.

Les chercheurs ont créé une population hypothétique de femmes, en se concentrant sur un seul sexe pour plus de simplicité, et les ont suivies alors qu'elles faisaient face aux défis de la vie. Les chercheurs ont entré des données concernant des choses comme la taille du cerveau d'un nouveau-né et les coûts énergétiques du cerveau et des organes reproducteurs. Et ils ont simulé des tâches qui ressemblent aux défis environnementaux et sociaux inclus dans les théories sur l'évolution du cerveau.

L'ordinateur a analysé la manière dont les pressions de chaque défi pourraient affecter la taille du cerveau au fil du temps. S'appuyant sur la théorie de l'évolution, il a calculé combien d'énergie les femmes seraient censées investir dans la croissance du cerveau par rapport aux autres tissus en fonction des différents défis. Il a constaté que les demandes mentales plus fortes ont tendance à produire de plus gros cerveaux.

M. Gonzalez-Forero a expliqué que M. Gardner et lui s'attendaient à une grande contribution des défis sociaux aux plus gros cerveaux, ce qui, selon lui, a été l'idée favorite pendant des décennies.

Mais à leur grande surprise, l'ordinateur a dit qu'environ 60 % du renforcement de la taille du cerveau provenait d'un individu affrontant seul l'environnement, comme pour trouver, stocker et cuire de la nourriture et fabriquer des outils en pierre. Une autre tranche de 30 % est issue de la collaboration pour faire face à l'environnement, par exemple en se regroupant pour chasser. Le dernier 10 % provient de la concurrence entre les groupes de personnes.

Bien que l'étude n'ait pas spécifiquement examiné l'impact des tâches culturelles, elle a également montré une influence substantielle de leur part, a déclaré M. Gonzalez-Forero. Il prévoit d'évaluer les facteurs culturels dans le futur.

Dans tous les cas, les résultats ne sont pas destinés à être finaux, mais plutôt à encourager d'autres chercheurs à utiliser la simulation par ordinateur pour étudier la question de la taille du cerveau. Beaucoup de travail passionnant reste à faire, a-t-il dit.

Des experts non liés à l'étude accueillent toutefois ces conclusions avec scepticisme.

Dean Falk, un expert en évolution cérébrale de l'université Florida State, a déclaré que le travail n'évalue pas l'hypothèse de longue date selon laquelle le développement du langage aurait pu entraîner l'expansion du cerveau. M. Gonzalez-Forero a déclaré que la langue est dans une certaine mesure une partie des facteurs culturels qui restent à traiter.

M. Falk a également déclaré que la stratégie de simulation peut avoir surestimé le rôle des demandes d'énergie dans la croissance du cerveau.

Robin Dunbar, un professeur de psychologie évolutionniste à l'Université d'Oxford, et le paléoanthropologue Richard Potts de la Smithsonian Institution ont déclaré qu'ils ne pensaient pas que la simulation imitait adéquatement la vie de nos ancêtres.