Des chercheurs québécois ont découvert pourquoi plus de 90 % des patients infectés par la tuberculose ne tombent pas malades. Paradoxalement, la maladie est plus grave quand une protéine du système immunitaire est trop active.

ÉQUILIBRE

De 90 % à 95 % des patients infectés par la tuberculose ne développent la maladie, avec ses conséquences désastreuses pour les poumons. Des chercheurs des universités McGill et Laval ont découvert pourquoi. « Nous avons compris que la protéine CypD [cyclophiline D], qui gère la prolifération et l'activation des lymphocytes T, est responsable d'un équilibre, explique Maziar Divangahi, de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, qui est l'auteur principal de l'étude publiée vendredi dans la revue Science Immunology. Le corps tolère la bactérie, mais la réponse immunitaire n'est pas assez forte pour endommager les poumons. » Quand ils ont commencé à travailler sur la protéine CypD, il y a quatre ans, M. Divangahi et ses collègues pensaient qu'il fallait la stimuler pour que les lymphocytes T attaquent davantage la bactérie de la tuberculose. « Nos recherches nous ont menés dans une direction assez différente. Nous pensions qu'avec plus de lymphocytes T, il y aurait moins de bactéries, mais ce n'est pas le cas. Au contraire, ça augmente la mortalité. Il y a plus de dommages aux tissus pulmonaires. La protéine CypD est essentielle pour faire en sorte qu'il y ait assez de lymphocytes T pour empêcher la bactérie de se propager à d'autres organes, mais pas assez pour endommager les poumons. » Les patients infectés par la tuberculose mais qui n'ont pas de symptômes ne sont généralement pas contagieux, selon l'immunologiste de McGill, qui a travaillé sur des souris.

LYMPHOCYTES T

Il s'agit des soldats du système immunitaire. Quand ils attaquent la bactérie responsable de la tuberculose, ils l'entourent d'une structure appelée granulome. Ce sont les granulomes qui sont responsables des dommages pulmonaires caractéristiques de la pneumonie. Est-il possible que les 5 à 10 % de patients qui développent la maladie aient un déficit de protéine CypD ? « Oui, c'est possible, mais pour le moment, il n'y a aucune preuve que c'est le cas », dit M. Divangahi.

BIOLOGIE DES PLANTES

Cette capacité du système immunitaire à isoler un pathogène sans trop endommager l'organisme est bien connue des biologistes spécialistes des plantes, selon le microbiologiste montréalais. « Pour plusieurs raisons, en immunologie humaine, nous n'avons pas porté beaucoup d'attention à cette stratégie de lutte contre les pathogènes, dit M. Divangahi. Jusqu'à maintenant, nous avons toujours pensé qu'il fallait éliminer le pathogène. Mais ce dogme ne s'applique pas aussi bien aux infections chroniques comme la tuberculose. L'organisme ne vise pas à éliminer le pathogène, mais à vivre avec lui. »

VACCIN ET TRAITEMENTS

Les chercheurs de McGill vont maintenant chercher à comprendre le mécanisme biochimique expliquant l'équilibre régi par la protéine CypD. « Ça pourrait déboucher sur de meilleurs traitements et de meilleurs vaccins, dit M. Divangahi. On peut viser à améliorer les réponses immunitaires à la bactérie, pour prévenir l'infection dès le départ, ou alors à mieux aider la protéine CypD à contrôler la bactérie sans l'éliminer. »