Les autorités américaines de la santé recherchent un million de personnes prêtes à partager leur ADN et, pendant dix ans, leurs habitudes de santé, petites et grandes, afin de faire progresser la science.

Le gouvernement américain a lancé dimanche une campagne de recrutement nationale pour une expérience très ambitieuse: en compilant une base de données assez étoffée pour comparer la génétique, le mode de vie et l'environnement de gens provenant de toutes les couches de la société, les chercheurs espèrent mieux comprendre pourquoi et comment certains échappent à la maladie, mais pas d'autres, et ainsi mieux personnaliser les méthodes de prévention et les thérapies.

Le directeur des Instituts nationaux de la santé (NIH) des États-Unis, le docteur Francis Collins, explique que le projet «All of Us Research Program» est une «aventure nationale qui va transformer les soins de santé».

Le gouvernement américain a octroyé un financement de 1,45 milliard US sur dix ans à l'initiative, dont le succès dépendra en bonne partie de l'intérêt de la population à s'inscrire en ligne ou par le biais des centres de santé participants.

Les Américains semblent déjà intéressés par le projet: plus de 25 000 personnes ont été recrutées depuis un an, dans le cadre d'un projet-pilote.

Pourquoi étudier autant de gens ?

Les soins de santé d'aujourd'hui sont, dans la plupart des cas, conçus de la même façon pour tous, en fonction de la réaction de l'individu moyen lors d'études cliniques menées auprès de quelques centaines, voire de quelques milliers de personnes atteintes d'un problème de santé précis.

La plupart des gens qui acceptent de participer à ces études sont des Blancs, ce qui soulève des incertitudes quant aux meilleurs soins à offrir aux personnes ayant d'autres origines ethniques.

«All of Us» fait partie d'un mouvement vers la «médecine de précision», qui utilise nos caractéristiques personnelles pour prévenir et traiter la maladie. Les chercheurs ont besoin d'un très grand nombre de participants afin d'en apprendre assez pour pouvoir personnaliser les soins: des gens en santé ou pas, des jeunes et des vieux, des habitants des villes et des campagnes, des cols bleus et des cols blancs - et des membres de toutes les ethnies.

L'étude recrute seulement des adultes pour le moment, mais des enfants seront éventuellement inclus.

Si des «biobanques» réunissant au moins 100 000 personnes existent déjà, le projet des NIH vise à créer la biobanque la plus grande et la plus diversifiée du monde. Au moins la moitié des participants devront provenir de groupes qui sont traditionnellement sous-représentés en recherche médicale, a indiqué le docteur Collins.

Les gènes ne racontent pas tout

Évidemment, votre code génétique a un impact sur votre risque de souffrir de certaines maladies. Mais d'autres facteurs y sont aussi pour quelque chose.

Les participants partageront donc tout d'abord leur dossier médical électronique et on leur soumettra périodiquement des questionnaires concernant leur alimentation, leur sommeil, leur environnement et d'autres aspects de leur mode de vie. On pourra aussi leur demander de porter des moniteurs d'activité physique ou d'autres capteurs.

Ils fourniront un échantillon sanguin et se soumettront à une analyse génétique plus tard cette année, tout d'abord pour étudier les «variantes» de l'ADN qui ont un impact sur le risque de maladie, a expliqué le docteur Collins. Une cartographie complète du code génétique d'un million de personnes serait trop dispendieuse, mais cette approche exhaustive sera tout de même utilisée avec certains participants.

Les premières leçons que le docteur Collins espère en tirer porteront sur la résilience: pourquoi certaines personnes maintiennent-elles une santé de fer même si elles fument et s'alimentent mal ?

«On ne comprend tout simplement pas comment ces gens font pour s'en tirer», a-t-il admis.

Les renseignements personnels

Contrairement à la plupart des études médicales, les participants pourront avoir accès à leurs propres résultats, en collaboration avec leur médecin, bien avant que l'étude n'en vienne à des conclusions plus générales.

Un avertissement, toutefois: les chercheurs se posent encore de nombreuses questions concernant la meilleure utilisation des tests génétiques. Malgré cela, «nous ferons de notre mieux pour aider les médecins à comprendre ce que ça veut dire», a expliqué le docteur Collins.

Les bienfaits pourraient se matérialiser rapidement: les variantes génétiques pourront témoigner d'une vulnérabilité aux effets secondaires de plus d'une centaine de médicaments, une information qui pourra permettre de choisir le meilleur traitement pour le patient.

Les NIH disent avoir tout mis en oeuvre pour se protéger d'un éventuel vol de renseignements personnels. Les données médicales des participants seront dépouillées de toute information permettant de les identifier, et ces données seront remplacées par un code. Seuls les chercheurs respectant certains critères de sécurité pourront accéder aux données.