La résistance aux médicaments antisida inquiète les autorités médicales. Le problème n'est pas énorme dans les pays riches, mais dans la plupart des pays pauvres, il est en hausse. Il pourrait même compromettre l'atteinte de l'objectif de l'Organisation mondiale de la santé : 90 % des séropositifs identifiés, 90 % des diagnostics menant à un traitement, et 90 % des patients traités atteignant une charge virale indétectable d'ici 2020.

« Avec les nouveaux médicaments, on n'a plus peur de la résistance aux médicaments au Canada et dans les autres pays riches », explique Mark Wainberg, qui dirige le Centre de recherche sur le sida de l'Université McGill, à l'Hôpital général juif. « Mais dans les pays en voie de développement, on utilise encore des médicaments plus âgés, qui ont notamment beaucoup d'effets secondaires. Ça complique l'adhérence au traitement et ces médicaments ont de plus des problèmes d'acquisition de résistance. C'est particulièrement le cas en Afrique centrale et occidentale et ça semble mener à des transmissions de ces souches résistantes. »

En juillet dernier, un rapport de l'OMS sonnait l'alarme sur ce problème, qui est compliqué par les pénuries de médicaments qui obligent les patients à en changer et à avoir davantage d'effets secondaires. Selon le Dr Wainberg, une année de traitement au dolutégravir, un médicament qui semble pour le moment invincible pour ce qui est de la résistance, coûte 25 000 $ au Canada, contre 350 $ pour des traitements génériques plus anciens en Afrique. Plus tôt cette année, le Botswana a annoncé qu'il traiterait dorénavant ses nouveaux cas au dolutégravir, bénéficiant d'un tarif au rabais du fabricant, GSK, qui n'a pas été dévoilé. Le Botswana a un PNB par habitant cinq fois plus élevé que la moyenne des pays de l'Afrique subsaharienne.

« Il faut trouver une manière de donner aux patients partout dans le monde les meilleurs traitements », affirme le Dr Wainberg, qui se trouve à Kinshasa, au Congo, pour des cérémonies entourant le jour du Sida. « Il est vital que les excellents traitements disponibles dans les pays riches soient aussi utilisés en première ligne partout dans le monde. »

Au Canada, moins de 1 % des patients qui reçoivent pour la première fois un diagnostic de VIH ont une souche résistante aux antibiotiques. Mais au fil des années de traitement, entre 20 % et 50 % des patients développent une résistance aux médicaments pour les trois classes de médicaments antisida plus anciennes. La quatrième classe, appelée « inhibiteurs de l'intégrase », dont fait partie le dolutégravir, commence à susciter un peu de résistance, selon un récent rapport américain. Mais selon le Dr Wainberg, le dolutégravir, composé de plusieurs molécules, est dans une classe à part et pourrait bien ne jamais susciter de résistance.

EN CHIFFRES

16 % : Proportion des patients n'ayant jamais pris de médicaments antisida qui ont une résistance à ces médicaments en Angola

22 % : Proportion des patients n'ayant jamais pris de médicaments antisida qui ont une résistance à ces médicaments à Cuba

10 % : Proportion des patients n'ayant jamais pris de médicaments antisida qui ont une résistance à ces médicaments en Argentine

9 % : Proportion des patients n'ayant jamais pris de médicaments antisida qui ont une résistance à ces médicaments au Mexique

Source: OMS