En 1966, Hollywood avait imaginé dans le film Le voyage fantastique qu'un vaisseau sous-marin pourrait être miniaturisé avec son équipage de médecins pour aller déloger un caillot de sang dans le cerveau d'un éminent scientifique. Hier à Polytechnique Montréal, l'ingénieur Sylvain Martel a annoncé que ce rêve deviendra bientôt réalité, à une exception près : ce seront des nanorobots qui inaugureront cette ère de médecine de précision.

« Quand j'ai lancé l'idée en 2001 en revenant du MIT, on disait que ça n'arriverait jamais », explique M. Martel, qui a dévoilé hier un laboratoire de nanorobotique à Polytechnique Montréal. « Maintenant, en 2016, je peux dire que Montréal est devenue la Silicon Valley de la lutte contre le cancer. »

Té Vuong, une oncologue de l'Université McGill et de l'Hôpital général juif qui assistait au dévoilement, a qualifié les travaux de M. Martel d' « avancée révolutionnaire ».

Ce mois-ci dans la prestigieuse revue Nature Nanotechnology, M. Martel a montré qu'il est possible de guider une bactérie chargée de médicaments et d'un matériau magnétique vers une tumeur, chez la souris. La bactérie est inoffensive. « Nous allons maintenant voir comment on va arriver aux essais cliniques chez les humains », dit M. Martel.

L'an dernier, l'ingénieur montréalais a réussi une autre première : permettre à un médicament de franchir la barrière entre le sang et le cerveau, avec une technique d' « hyperthermie » qui sera aussi peaufinée dans son laboratoire. « Plus de 98 % des médicaments ne parviennent pas à franchir cette barrière », dit M. Martel, qui a récemment publié le livre A Microscopic Submarine in my Blood, qui détaille ses travaux en les comparant au film Le Voyage fantastique.

Le dévoilement du laboratoire, qui a coûté 4,6 millions, a été fait 50 ans jour pour jour après le lancement du film Le voyage fantastique, qui mettait notamment en vedette Raquel Welch. 

« J'ai vu le film quand j'étais jeune et ça m'avait beaucoup impressionné. Mais je n'y pensais plus quand j'ai commencé à travailler là-dessus. Lors d'une avancée en 2006, on s'est rendu compte que c'était pas mal comme le film », raconte Sylvain Martel.

Le film était assez original pour que ses auteurs, des scénaristes de science-fiction, parviennent à convaincre le célèbre romancier Isaac Asimov d'écrire un livre basé sur le film, qui a été publié peu après.

DÉTRUIRE LES TUMEURS DÈS LEUR DÉTECTION

Sans aller jusqu'à miniaturiser des médecins, M. Martel pense qu'on pourrait en arriver à des nanorobots autonomes qui circuleraient dans le corps des personnes en santé pour détruire les tumeurs dès leur détection. « Mais ce type de prévention autonome est à très long terme », dit-il.

Dans le laboratoire de M. Martel, un robot transférera la civière du patient de la plateforme horizontale d'imagerie médicale permettant de guider les médicaments à l'intérieur du système sanguin vers un autre appareil de guidage magnétique, plus précis, qui interviendra quand le médicament sera rendu dans la tumeur.

M. Martel a travaillé 10 ans au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT). Avant de se pencher sur la nanorobotique oncologique, il a travaillé sur les maisons intelligentes et sur le décodage de l'activité neuronale à l'aide d'implants afin de contourner la colonne vertébrale, permettant aux paraplégiques de marcher à nouveau. Il a aussi mis au point des robots à trois pattes, de la taille d'un pouce, qui en flotte pouvaient être utilisés pour manipuler des molécules chimiques.