Les grands prématurés qui pèsent moins de 1 kg à la naissance, mais n'ont pas de séquelles neurologiques majeures n'ont pas plus de risque d'être au chômage ou d'être célibataires ou sans enfant que les enfants nés à terme, selon une vaste étude canadienne. Mais comme de telles séquelles sont présentes dans un cas sur cinq, la grande prématurité reste un facteur de risque important.

« J'étais très encouragée par les résultats », explique Saroj Saigal, obstétricienne à l'Université McMaster, en Ontario, qui est l'auteure principale de l'étude publiée dans la revue Nature. Elle suit depuis le début des années 80 une cohorte de 165 grands prématurés, nés alors qu'ils pesaient moins de 1 kg. Elle a repris contact avec 100 d'entre eux entre 2011 et 2013 pour voir où ils en étaient dans la vie.

Maryse Glaude-Beaulieu est l'une d'entre elles. Née en 1978, elle a été prononcée morte trois fois durant l'accouchement et les médecins prédisaient qu'elle serait aveugle, sourde et sévèrement handicapée sur le plan intellectuel. Seule la cécité est restée, ainsi qu'une légère paralysie du côté gauche qui ne l'empêche pas de marcher. 

« J'ai été très précoce quant au langage. J'ai été la première francophone en Ontario qui a eu des services spécialisés dans mon école de quartier. J'ai sauté ma 8e année et je fais maintenant ma maîtrise en éducation. »

Les échographies n'étant pas assez précises à l'époque, la grande prématurité était définie par le poids à la naissance plutôt que par le nombre de semaines de gestation. Aucune étude de suivi des grands prématurés n'a eu une si grande cohorte, selon la Dre Saigal.

Importantes avancées

Les grands prématurés d'aujourd'hui ont-ils des perspectives similaires ? « Nous avons de meilleurs incubateurs et ventilateurs, nous avons appris à baisser les lumières et le niveau sonore dans les salles de néonatalogie, nous avons fait des avancées en nutrition et en chirurgie », dit la Dre Saigal, qui a étudié à Montréal à l'Hôpital général avec le célèbre néonatalogiste Robert Usher. « Il n'y a par exemple presque plus de cécité, moins de 1 %, contre 10 % il y a 35 ans. Nous avons aussi des surfactants qui aident au développement des poumons. »

Il reste quelques différences entre les bébés nés à terme et les grands prématurés sans séquelles neurologiques graves. « Ils sont plus timides, plus anxieux, ils ont aussi moins souvent des problèmes de drogue ou d'alcool », dit la Dre Saigal. Ils sont aussi - curieusement - cinq fois plus susceptibles d'être homosexuels ou bisexuels.