Les adolescents qui essaient la cigarette électronique sont six fois plus susceptibles de commencer à fumer, selon une nouvelle étude américaine. Ces résultats, qui donnent des munitions aux partisans d'une réglementation similaire à celle des cigarettes, ont immédiatement été contestés par les spécialistes de santé publique qui pensent que les cigarettes électroniques sont cruciales pour aider les fumeurs adultes à écraser.

« Tout ce que ça indique, c'est que les jeunes qui sont plus susceptibles d'expérimenter la cigarette électronique sont aussi susceptibles d'essayer autre chose », explique François Damphousse, de l'Association pour les droits des non-fumeurs.

L'étude publiée dans la revue Pediatrics, qui a suivi 300 Californiens de 11e et 12e année (cinquième secondaire et première année de cégep) pendant 16 mois, a tenté de tenir compte du problème des jeunes tentés par toutes les nouvelles expériences en demandant aux jeunes cobayes s'ils avaient la ferme intention de ne jamais fumer. Seulement 23 % d'entre eux n'étaient pas prêts à s'engager à ne jamais fumer.

Parmi ceux qui affirmaient au départ qu'ils ne fumeraient jamais, ceux qui avaient déjà essayé la cigarette électronique étaient dix fois plus susceptibles d'avoir déjà fumé la cigarette à la fin du suivi, 16 mois plus tard. Chez ceux qui n'étaient au départ pas complètement fermés à la cigarette, le risque d'avoir déjà fumé à la fin du suivi était deux fois plus élevé avec la cigarette électronique. Aucun des participants ne fumait la cigarette au début de l'étude, et l'utilisation de la cigarette électronique au départ incluait tous ceux qui l'avaient essayée, même une seule fois.

« Je ne pense pas que tenir compte des intentions à long terme des adolescents est utile », explique Saul Shiffman, un psychologue de l'Université de Pittsburgh qui est parfois consultant pour des compagnies de cigarettes électroniques. « Penser au lendemain n'est pas une capacité répandue à cet âge. Les études américaines sur les ados ont souvent des résultats diamétralement opposés aux résultats britanniques, parce que les organismes subventionnaires sont partisans de l'abstinence absolue. C'est le miroir des études d'antan qui minimisaient les effets de la cigarette parce qu'elles étaient financées par l'industrie du tabac. »

L'ENJEU DE LA RÉGLEMENTATION

Les experts interrogés par La Presse ont cité deux études épidémiologiques récentes, qui montrent que dans les États américains qui ont interdit la cigarette électronique aux mineurs, le taux de tabagisme chez les adolescents est supérieur de 12 % à celui des États qui n'ont rien fait à ce sujet.

Partisans et opposants de la cigarette électronique s'entendent toutefois pour qu'elle soit interdite aux mineurs. « L'enjeu, c'est la réglementation pour les adultes », dit Brad Rodu, médecin spécialiste de l'arrêt du tabagisme à l'Université de Louisville, qui est aussi parfois consultant pour des compagnies de cigarettes électroniques. « Si elle est plus stricte, il sera plus difficile pour les adolescents de s'en procurer. Si la cigarette électronique encourage les jeunes à fumer, certains pensent que ça justifie la réglementation pour les adultes. Je ne suis pas nécessairement de cet avis parce que je pense qu'elle est très utile pour les fumeurs adultes qui n'arrivent pas à écraser. »