Choisir ses vêtements, mettre la table, s'alimenter seul ou même commencer à jouer du piano quand on a la maladie d'Alzheimer, c'est possible : des maisons de retraite utilisent la méthode Montessori pour réapprendre les gestes du quotidien aux personnes âgées « désorientées ».

Cette méthode pédagogique, développée par la médecin italienne Maria Montessori au début du 20e siècle, cherche à favoriser autonomie et confiance en soi chez les enfants, en leur permettant d'évoluer à leur rythme et dans une grande liberté.

Si dans les années 90, le neuropsychologue américain Cameron Camp l'a adaptée aux personnes âgées atteints de troubles cognitifs (Alzheimer et autres démences), ce n'est pas pour les « infantiliser », mais pour leur donner « une raison de se lever le matin », explique Jérôme Erkes, directeur recherche et développement chez AG&D, organisme de formation spécialisé.

« Quel que soit son âge, on a besoin de liberté et d'avoir des buts dans la vie », rappelle-t-il.

M. Erkes, un psychologue qui a exercé pendant 11 ans en gériatrie au CHU de Montpellier, a formé pendant deux jours, début avril, une dizaine de salariés (animateur, infirmière, psychologue, aide-soignante, agent d'entretien, etc.) d'un établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), appartenant au groupe Colisée.

À leur tour, ces salariés vont familiariser leurs collègues avec cette approche tandis que cadres et directeurs ont été formés en début d'année.

Souvent, « on se focalise sur la pathologie de la personne, et on oublie ses capacités », souligne M. Erkes. « C'est vrai pour les professionnels, les familles et les personnes elles-mêmes : combien de fois entend-on : "Je ne sers plus à rien". Résultat : on fait à peu près tout à leur place ».

Là, on cherche à redonner à la personne des buts et un rôle dans la communauté, en lui proposant tout au long de la journée des activités « porteuses de sens », adaptées à ses capacités et à ses goûts. Aucune n'est imposée, la notion de « choix » est centrale.

On lui montre les gestes puis on l'invite à les faire elle-même. Pour mieux capter son attention, on lui donne des choses à tenir et manipuler.

Mémoire « procédurale »

« On remet les gens dans l'action », résume le Dr Didier Armaingaud, directeur Ethique, Médical et Qualité chez Korian, qui utilise déjà la méthode dans une soixantaine de ses Ehpad et va poursuivre son déploiement.

Participer à la préparation du petit déjeuner, à la décoration, couper des fruits, plier des serviettes ... « À chaque fois que c'est possible, on demande au résident ce qu'il souhaite faire », explique M. Erkes. « On ne sait pas à l'avance si telle ou telle activité va marcher, il faut essayer ». Un indice déterminant : le « test du sourire »!

Le « projet personnalisé », document qui dans les Ehpad rassemble des informations essentielles sur les résidents, va aider à anticiper ce qui peut plaire à une personne. « Où a-t-elle grandi, quels étaient sa profession, ses passe-temps, etc.? ».

Jérôme Erkes cite l'exemple d'une dame résidant en Ehpad à Avignon qui avait toujours rêvé de jouer du piano. « En trois mois, elle a commencé à jouer elle-même. Une autre en Suisse a réappris à gérer son diabète toute seule ».

Car contrairement à une idée reçue sur Alzheimer, « il reste aux personnes des capacités d'apprentissage. Elles peuvent apprendre en pratiquant, via la mémoire "procédurale" », dit-il.

AG&D a formé une partie des équipes d'« environ 600 » maisons de retraite publiques, privées ou associatives en France, selon Véronique Durand, sa directrice générale.

Colisée se donne trois ans pour diffuser la méthode dans ses 58 Ehpad en France, indique Estelle Prot, directrice des ressources humaines. « Ce projet vise à développer l'autonomie de nos résidents, à leur redonner goût à la vie ».

Chez Korian, le Dr Armaingaud souligne les bénéfices observés : réduction des troubles du comportement, de l'usage de somnifères, meilleure qualité de vie pour les salariés comme pour les résidents.