Des chercheurs, qui avaient déjà réactivé la mémoire perdue de souris avec la lumière, ont cette fois réitéré l'expérience sur des rongeurs génétiquement modifiés pour présenter des symptômes similaires aux malades d'Alzheimer, ouvrant la voie à de possibles traitements.

Cette étude, publiée cette semaine dans la revue britannique Nature, vient accréditer l'idée que le souvenir du passé n'a probablement pas été effacé, mais est simplement inaccessible, arguent ses auteurs.

« Étant donné que la mémoire des humains et des souris tend à fonctionner sur un principe similaire, notre découverte laisse penser que les patients atteints de cette maladie, du moins dans les premiers stades de développement, conservent peut-être aussi les souvenirs dans leur cerveau, ce qui offre l'espoir d'un traitement », a expliqué à l'AFP Susumu Tonegawa, directeur du Riken-MIT Center for Neural Circuit Genetics (de l'institut public japonais Riken et du Massachusetts Institute of Technology aux États-Unis), qui a mené les travaux.

Les scientifiques débattent depuis de nombreuses années sur le fait de savoir si l'amnésie provoquée par un traumatisme crânien, le stress ou des maladies comme Alzheimer, résulte de dommage de cellules cérébrales spécifiques qui dans ce cas rendraient impossible de recouvrer la mémoire, ou si l'accès à ces souvenirs en est la cause.

Pour tenter d'appuyer la seconde hypothèse, l'équipe a placé des souris dans une cage où elles ont reçu une faible décharge électrique dans les pattes.

Rebelote 24 heures plus tard : les bien portantes ont alors manifesté leur peur, se remémorant le désagréable choc ressenti un peu plus tôt.

En revanche, celles « atteintes » d'Alzheimer sont restées sans réaction, mais, quand les chercheurs ont stimulé avec une lumière bleue le réseau de neurones dits engrammes », associés à la formation d'un souvenir, elles ont recouvré la mémoire de la décharge.

Disparition des symptômes

Les scientifiques ont utilisé une technologie de réactivation appelée optogénétique, qui consiste à ajouter des protéines aux neurones pour les rendre sensibles à la lumière.

En outre, en examinant la structure physique du cerveau des souris, les chercheurs ont constaté que les malades avaient moins de synapses (connexions entre les neurones).

Or, des stimulations lumineuses répétées ont permis d'en augmenter le nombre à des niveaux comparables à ceux recensés chez les autres rongeurs. Au point de ne plus avoir besoin de les réactiver artificiellement pour susciter une attitude de frayeur.

« Les souvenirs ont refait surface via un moyen naturel », à savoir leur placement dans la cage initiale, a expliqué M. Tonegawa. « Cela signifie que les symptômes de la maladie d'Alzheimer ont disparu ».

« C'est une bonne nouvelle pour les patients », s'est félicité le lauréat du Nobel de médecine en 1987, tout en appelant à la prudence.

« La maladie, à un stade précoce, pourrait être soignée à l'avenir si est développée une nouvelle technologie qui remplit les conditions éthiques et de sécurité », a-t-il tempéré.

En mai 2015, le professeur avait présenté une étude comparable dans la revue américaine Science, mais plus particulièrement axée sur le problème de l'amnésie. Avait alors été administrée aux souris une substance chimique, l'anisomycine, qui bloque la synthèse de protéines dans les neurones immédiatement après la formation d'un nouveau souvenir, empêchant la consolidation de la mémoire.

Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), on estime à 47,5 millions le nombre de personnes dans le monde atteintes de démence, dont 60 à 70% de la maladie d'Alzheimer, pour l'heure incurable.

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