En attendant des thérapies capables d'éliminer définitivement le virus du sida (VIH), un nombre grandissant de malades se pose la question «d'alléger» leur traitement pour diminuer les effets secondaires, tout en maintenant sous contrôle l'infection.

Témoin de l'intérêt pour la question, l'organisation récente d'un colloque sur «l'allégement thérapeutique» par le groupement associatif TRT-5, spécialiste des questions thérapeutiques sur le sida.

«C'est une thématique qui suscite beaucoup de questions et de fantasmes chez des patients qui souffrent d'effets indésirables», explique à l'AFP Jean-Pierre Fournier coordinateur de TRT-5.

Un bon nombre des 150 000 porteurs du VIH en France prennent depuis plus de 20 ans des cocktails de médicaments antirétroviraux et s'interrogent sur leurs effets à long terme.

Mais alléger son traitement «n'est pas une mince affaire», prévient M. Fournier mettant en garde contre des «allègements sauvages» que les malades feraient «seuls dans leur coin».

Les antirétroviraux sont capables de museler efficacement le VIH, jusqu'à le rendre indétectable dans le sang, mais pas de l'éliminer totalement. L'arrêt du traitement se traduit inéluctablement par un «rebond» de l'infection.

Grâce à la recherche, l'efficacité des molécules a augmenté et les effets indésirables ont diminué. Mais demeurent des troubles, variables d'une personne à l'autre, comme des problèmes digestifs, des diarrhées ou des dérèglements de l'humeur.

Une enquête menée en 2014 par le site d'information sur le sida Seronet montre que pour échapper aux effets secondaires ou par simple lassitude des traitements, l'allègement est une pratique déjà répandue: dans un questionnaire en ligne rempli par 121 malades, 93% répondent avoir déjà «pratiqué l'allègement thérapeutique» et 39% avoir pris la décision seul sans informer leur médecin.

Course au désarmement thérapeutique

«Séropo» depuis 1988, sous trithérapie depuis 1996, Anne-Lise Dehee, 48 ans, est venue assister au colloque de TRT-5 «avec une question en tête: comment alléger (son) traitement?»

Elle avoue avoir par le passé diminué sa trithérapie «de manière plus ou moins sauvage à cause du ras-le-bol de la prise, de la fatigue» et voudrait à terme «évoluer vers l'intermittence» en réduisant le nombre de cachets à prendre chaque semaine.

Que pensent les médecins de l'allègement thérapeutique? Leur crédo a évolué passant de la «raideur liée à la peur» du virus, à une vision plus souple et pragmatique, témoigne le directeur de l'association Actif Santé, Xavier Ray-Coquais.

L'infectiologue Christine Katlama de l'hôpital parisien Pitié Salpêtrière confirme que les spécialistes ont eu «du mal à réviser à la baisse» les doses en raison de «l'arrêt de mort» qu'a représenté la maladie jusqu'aux années 90.

Elle préconise aujourd'hui une «approche individualisée et écologique» qui consiste à utiliser «juste ce qu'il faut» une fois le virus devenu indétectable: «pas besoin d'un char d'assaut pour écraser une petite fourmi».

Dans cette course au désarmement thérapeutique, plusieurs stratégies sont possibles: prendre le traitement de manière intermittente avec par exemple quatre prises par semaine au lieu de sept, réduire le dosage des médicaments ou passer d'une tri à une bi voire monothérapie (de trois à deux, voire un seul médicament antirétroviral).

L'objectif de ces stratégies est de «faire aussi bien, voire mieux, avec moins et pour moins cher», explique l'infectiologue de l'hôpital parisien Saint-Louis, Sébastien Gallien.

Une association de malades a évalué à 250 millions d'euros par an l'économie d'une réduction systématique et importante des prises hebdomadaires d'antirétroviraux en France.

Militant d'Act-up Paris, Fred Navarro, 54 ans, porteur du virus depuis 1986, a récemment «allégé» son traitement, passant d'une quadri à une bithérapie sur avis médical. «Évidemment, le traitement est nettement plus léger et acceptable, je dors mieux et quatre mois après, le virus reste indétectable», témoigne-t-il.

De nombreux essais d'allègement thérapeutique sont en cours après les travaux précurseurs du Dr Jacques Leibowitch à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches, montrant que des trithérapies restaient efficaces prises quatre ou cinq jours par semaine au lieu de sept.

L'Agence nationale de recherche sur le Sida (ANRS) a lancé fin 2014 un essai clinique baptisé 4D pour évaluer le succès de plusieurs traitements antirétroviraux pris quatre jours par semaine.