Incision au scalpel, suintement sanglant, rien de plus normal, si ce n'est que le poumon opéré n'est pas un vrai, mais un spécimen de formation pour les apprentis chirurgiens, organe plus vrai que nature créé grâce à l'impression en trois dimensions (3D).

Humide, doux, infecté de tumeurs et strié de vaisseaux sanguins, ce poumon ultra-réaliste n'est qu'un exemple de la bibliothèque d'organes sur étagère que propose une petite entreprise japonaise, objets destinés à parfaire les compétences des médecins sans sacrifier des patients.

«Ce modèle restitue la texture de l'organe et les saignements dans le but de faire réellement éprouver au praticien les conséquences de ses gestes», explique Tomohiro Kinoshita, fondateur de Fasotec, une société basée à Chiba, au sud-est de Tokyo.

Des armes aux pièces de voitures ou maisons, des prothèses aux oeuvres d'art, l'impression 3D est perçue comme une nouvelle révolution industrielle susceptible de transformer non seulement le secteur manufacturier, mais aussi notre vie quotidienne dans les prochaines années et décennies, de façon aussi spectaculaire qu'internet l'a fait récemment.

Ce type d'organe humide, qui sera utilisé en sessions de formation chirurgicale au Japon à compter du mois d'avril, n'est pas lui-même imprimé en trois dimensions.

Il est fabriqué à partir d'un moule qui, lui, est façonné avec cette technologie consistant à superposer des couches de résine ou autre matériau pour reconstituer une forme tridimensionnelle sur la base de données issues de l'image numérique d'un organe réel.

Les techniques de numérisation actuelles permettent de recréer un foie, un coeur ou un estomac dans les moindres détails.

Une résine sous forme de gel synthétique est injectée ensuite dans le moule issu de l'impression 3D.

En attendant les organes imprimés transplantables

Chaque organe n'est pas seulement une copie visuelle, mais a aussi la même masse que l'organe reproduit. La réponse au coup de bistouri est exactement identique, au point que c'en est «presque trop réaliste», aux yeux de Maki Sugimoto, un médecin qui a tâté l'objet.

«Le toucher est similaire à celui d'un vrai foie», assure le chirurgien qui enseigne aussi à l'école de médecine de l'université de Kobe, dans l'ouest du Japon.

«Non seulement les jeunes en formation, mais aussi les praticiens expérimentés peuvent tirer profit d'exercices avec ces reproductions», estime-t-il.

Comparés aux imitations utilisées jusqu'à présent, il n'y aurait pas photo, selon Toshiaki Morikawa, de l'université Jikei à Tokyo: «Les modèles actuels sont trop simples, les détails de l'anatomie pas fidèlement restitués.»

Et l'évolution proposée par Fasotec n'est peut-être qu'une étape avant la recréation directement via l'impression 3D des organes eux-mêmes, non pas à partir de matériaux artificiels, mais de cellules, ce qui les rendrait alors fonctionnels et transplantables.

De nombreuses recherches sont en cours à travers le monde, du Japon aux États-Unis et à l'Angleterre, sur la «bio-impression» et «l'encre biologique» qui, constituée de cellules, pourrait effectivement permettre d'«imprimer» des tissus humains.

Dans les laboratoires spécialisés, on imagine qu'un jour il sera possible d'utiliser les cellules d'une personne pour recréer tout ou partie de ses organes abîmés et de les transplanter sans rejet par son système immunitaire.

«Considérant les progrès futurs en sciences de la vie, je pense que cette technologie est un domaine de recherche à approfondir vite», juge M. Morikawa.

En attendant, Fasotec a a priori le temps de profiter de son activité naissante. La société a commencé à accepter les commandes de vessies et urètres et reçoit déjà des demandes en provenance d'autres pays asiatiques.