Le séquençage du génome de 99 virus Ebola par des chercheurs américains a permis de donner un nouvel éclairage sur l'origine de l'épidémie actuelle.

Comme l'avait raconté la semaine passée un journaliste de l'AFP à l'issue d'une enquête de plusieurs jours en Sierra Leone, cette nouvelle recherche montre que l'épidémie sans précédent qui sévit depuis le début de l'année a vraisemblablement trouvé son origine lors de l'enterrement d'une guérisseuse traditionnelle à Sokoma, un village reculé proche de la frontière guinéenne.

Celle-ci prétendait soigner la fièvre hémorragique et avait attiré des malades de la Guinée voisine. Elle a été infectée par le virus et en est morte. Les participants à ses obsèques se sont ensuite dispersés à travers les collines de la région frontalière, déclenchant une réaction en chaîne de décès, puis d'enterrements publics, propices à de nouvelles contaminations.

Les résultats de la recherche publiée jeudi dans la revue américaine Science montrent ainsi que parmi les premiers patients de Sierra Leone, douze avaient apparemment assisté aux obsèques de cette guérisseuse.

S'ils ont permis de remonter aux origines de l'épidémie actuelle, ces travaux pourraient aussi permettre de déboucher sur des traitements contre ce virus dont l'émergence remonte à 1976, estiment ces chercheurs.

«Ces travaux fournissent un point de départ pour comprendre comment des mutations virales spécifiques pourraient être liées à la gravité de cette dernière épidémie», écrivent-ils.

Les chercheurs ont payé un lourd tribu à l'avancée de la science puisque cinq des presque 60 scientifiques ayant participé à cette étude ont été infectés et sont morts d'Ebola.

«Nous faisons face à une dure bataille et avons perdu de nombreux amis et collègues dont l'un des principaux coauteurs de l'étude, le Dr Humarr Khan», a déploré Pardis Sabeti, professeur adjoint à Harvard, un autre des coauteurs.

En comparant les données génétiques des virus actuels d'Ebola provenant de 78 patients dans un hôpital de Sierra Leone à vingt génomes de souches virales de flambées précédentes de cette fièvre hémorragique, ils ont déterminé qu'il y avait probablement un ancêtre commun remontant aux premiers cas d'infection en 1976 en Afrique centrale.

Accélérer notre compréhension

Alors que les précédentes épidémies, qui étaient très limitées, avaient résulté de multiples contacts avec des réservoirs viraux dans la nature, dont notamment les chauves-souris frugivores, celle qui sévit actuellement a probablement commencé par une seule de cette contamination, suivie par de multiples infections interhumaines, expliquent ces virologues.

Selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), l'épidémie actuelle a déjà fait 1552 morts et touché 3069 personnes.

«Nous avons découvert plus de 300 mutations génétiques qui pourraient distinguer cette épidémie des précédentes», précise Stephen Gire, un scientifique de l'Université de Harvard, coauteur de cette étude.

«En partageant les résultats de ces travaux avec la communauté de la recherche nous espérons pouvoir accélérer notre compréhension de cette épidémie et contribuer aux efforts mondiaux pour la contenir», ajoute-t-il.

Cette épidémie est sans précédent par son étendue, mais aussi par le fait qu'elle se manifeste dans de multiples zones peuplées. Les précédentes flambées d'Ebola étaient localisées dans des régions isolées et moins peuplées d'Afrique centrale. La plus grande épidémie en 1976 avait touché 318 personnes, dont la plupart étaient décédées.

En déplacement au Liberia, le directeur des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), le Dr Tom Frieden, a estimé mercredi que «la situation était pire qu'il ne l'avait craint».

«Tous les jours, cette épidémie s'étend, accroissant le risque de se propager dans un autre pays», a-t-il dit sur la chaîne CNN, appelant à une mobilisation internationale rapide.

Par ailleurs, le premier essai clinique d'un vaccin contre Ebola, co-développé par le laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK) et les Instituts américains de la santé, va débuter début septembre aux États-Unis pour évaluer son innocuité et son efficacité.

Une autre étude clinique doit commencer plus tard en septembre avec des volontaires au Royaume-Uni, en Gambie et au Mali. L'objectif est d'obtenir des résultats d'ici la fin 2014.