On peut prédire avec une exactitude de 70% si un adolescent deviendra un buveur excessif au cours des deux années suivantes, selon les conclusions d'une étude qui s'est notamment penchée sur ce que le cerveau peut révéler à cet égard.

Les chercheurs savent depuis belle lurette que la personnalité, les antécédents familiaux et le milieu social sont des indicateurs de premier plan lorsque vient le temps de déterminer quels adolescents abuseront de l'alcool.

Mais grâce au nouveau volet d'une étude longitudinale, qui a été réalisée auprès de 2400 jeunes Européens âgés de 14 ans, ils ont découvert que le cerveau permet aussi de prédire l'avenir en cette matière, a résumé la chercheuse québécoise Patricia Conrod, qui a contribué aux recherches.

«L'étude s'est concentrée sur les systèmes de récompense du cerveau et la façon dont ils influencent le comportement et le risque de développer des psychopathologies», a exposé Mme Conrod, qui travaille à l'Université de Montréal et au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine.

En plus de parler des événements qu'ils ont vécus, de leur profil psychologique et de leur consommation d'alcool et de drogue, les adolescents qui ont pris part à l'étude se sont soumis à un test d'imagerie par résonance magnétique (IRM) en jouant à un jeu (pour mesurer la réaction de leur cerveau aux sources de satisfaction) et en examinant des images de visages colériques (pour mesurer leur réactivité émotionnelle).

L'équipe a constaté que les gyrus droits, précentraux et frontaux supérieurs sont les zones du cerveau les plus indicatrices d'une possible future consommation excessive d'alcool.

Les conclusions de cette recherche n'indiquent pas que la consommation excessive d'alcool est préprogrammée dans le cerveau, mais donnent aux professionnels qui interviennent auprès des jeunes des moyens pour repérer ceux qui ont besoin d'aide avant qu'il ne soit trop tard.

«La consommation excessive précoce d'alcool est un facteur de risque pour l'alcoolisme. L'avantage de l'étudier dans les années précoces, c'est qu'on peut voir quels sont les facteurs étiologiques au lieu de voir l'effet de la consommation sur le cerveau», a précisé Mme Conrod en entrevue téléphonique.

La chercheuse a conçu une batterie d'évaluation initiale et élaboré une échelle sommaire de la personnalité qui ont été mises à profit pour cette étude longitudinale. Celle-ci devrait se poursuivre pour encore au moins quatre ans.

Certaines écoles de Montréal ont actuellement recours à l'échelle d'intervention pour offrir une prévention ciblée aux jeunes à risque de consommation inappropriée d'alcool et de drogue. Ainsi, en détectant des signes d'impulsivité, de dépression ou de recherche constante de sensations fortes, les établissements peuvent intervenir.

«On ne dit pas à ces jeunes qu'ils sont à risque (de devenir consommateurs excessifs). Avec notre modèle, l'exactitude est seulement de 70%. La marge d'erreur est trop élevée, alors on ne fait jamais ça dans les écoles», a expliqué Patricia Conrod.

«Si on estime qu'un jeune a un profil d'impulsivité, par exemple, l'école va l'inviter à participer à un atelier sur la gestion de l'impulsivité», a-t-elle illustré.

L'étude a été réalisée par le consortium IMAGEN, qui mène un projet de recherche en Europe sur les comportements risqués chez les adolescents. Les principaux auteurs de l'article portant sur ce projet de recherche sont rattachés à l'Université du Vermont, à la University College Dublin et au Trinity College Dublin.