L'immunothérapie vole la vedette à une importante conférence sur le cancer à Chicago. Plus particulièrement, plusieurs entreprises testent des médicaments qui protègent le système immunitaire contre une tactique fréquente des tumeurs, qui rendent ce système impuissant.

«Ça fait 20 ans qu'on attend d'avoir d'aussi bons résultats avec le mélanome», a expliqué Joël Claveau, dermatologue de l'Hôtel-Dieu de Québec, vers qui Bristol Myers Squibbs (BMS), l'une des sociétés qui mettent au point les nouveaux médicaments, a dirigé La Presse. Simon Turcotte, chercheur du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) qui travaille en immunothérapie oncologique - mais pas sur les «immunomodulateurs» qui ont fait fureur au congrès de la Société américaine d'oncologie clinique (ASCO) de Chicago - ajoute qu'«on parle de guérison, c'est un grand progrès avec le mélanome».

Les immunomodulateurs aident les soldats du système immunitaire, les lymphocytes T, à résister aux attaques des tumeurs. Ces dernières ciblent des portions des lymphocytes T et les rendent inactifs. Les immunomodulateurs empêchent les tumeurs de cibler ces sections des lymphocytes T. Un premier immunomodulateur, le Yervoy de BMS, a été approuvé en 2011. Mais selon le Dr Claveau, le Yervoy cause parfois des maladies auto-immunes, un problème que ne semble pas avoir une autre classe d'immunomodulateurs sur le point d'arriver sur le marché.

L'an dernier, la revue Science a donné son prix annuel à l'immunothérapie oncologique, qui deviendra sous peu une quatrième approche conventionnelle contre le cancer (avec la chimiothérapie traditionnelle, la radiothérapie et la chirurgie), selon trois experts québécois interviewés. «Nous vivons un moment excitant», dit Wilson Miller, oncologue à l'Université McGill, vers qui Merck a dirigé La Presse.

Résultats intéressants

À Chicago, Merck, BMS et Roche ont tous les trois dévoilé des résultats intéressants pour leurs immunomodulateurs nouveau genre. Celui de Merck, le MK-3475, pourrait être approuvé aux États-Unis dès octobre, selon le Dr Miller, alors que celui de BMS devrait suivre l'an prochain, selon Awny Farajallah, vice-président médical de BMS Canada - dans les deux cas, pour le mélanome. Roche, quant à elle, a donné des résultats un peu plus préliminaires pour son immunomodulateur. Ces trois sociétés ont aussi lancé des études - près de 80 au total, selon Bloomberg - sur l'application de leur immunomodulateur à d'autres types de cancer.

L'immunothérapie oncologique a commencé il y a une vingtaine d'années - feu Robert Bourassa a bénéficié de l'un des premiers traitements, l'interleukine. Mais les premières approches, qui consistaient à extraire les lymphocytes T des patients pour sélectionner les plus vigoureux, étaient très toxiques. Le Dr Turcotte, qui vient de publier, dans la revue Science, des résultats encourageants sur ce type de transfert, pense qu'ils sont supérieurs aux immunomodulateurs, mais que ces derniers sont moins coûteux. Les vaccins, l'autre avenue envisagée pour l'immunothérapie oncologique, n'ont pour le moment pas débouché, selon le Dr Turcotte.