La «guérison» apparente d'une petite fille séropositive traitée dès les premières heures de sa vie suscite une lueur d'espoir, mais elle reste à confirmer, avertissent les spécialistes qui rappellent en outre que l'accès à la prévention et aux soins demeurent pour beaucoup illusoire.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a salué cette nouvelle qui, sous réserve de confirmation, «permet d'espérer qu'une guérison du sida est possible pour les enfants», alors que chaque année, 330 000 enfants naissent contaminés, essentiellement en Afrique sud-saharienne.

Mais pour l'OMS, des recherches complémentaires s'imposent.

On est encore loin de pouvoir affirmer que traiter plus tôt et plus fort les bébés à haut risque de naître infectés leur permettra d'échapper au traitement à vie, mettent également en garde les spécialistes interrogés par l'AFP.

«Il faut être prudent», souligne le professeur Stéphane Blanche, pédiatre spécialiste du sida (hôpital Necker -Enfants Malades, Paris) qui juge que «le terme de guérison n'est pas pertinent».

La petite fille, née aux États-Unis, était infectée par le virus du sida (VIH) contracté dans le ventre de sa mère. L'enfant a reçu un cocktail de trois médicaments dès sa 30e heure de vie, un traitement poursuivi 18 mois. Les médecins perdent sa trace pendant dix mois et lorsqu'ils la revoient, ne trouvent plus de trace détectable du virus dans le sang, malgré l'arrêt de sa trithérapie.

L'observation est originale, car cet enfant a été traité très tôt, dès les premiers jours de vie, alors qu'en général on traite au cours des premières semaines (15 jours - un mois), relève le Pr Blanche.

«Rémission»

Cette guérison est qualifiée de «fonctionnelle», car le virus n'a pas complètement été éradiqué de son organisme. Elle s'apparente plus à ce stade à une «rémission», qu'il faudra suivre beaucoup plus longtemps pour vérifier que le virus ne se réactive pas, relève pour sa part John Frater de l'université d'Oxford.

«Cette mère avait échappé au dépistage et à la prévention. Il faut éviter cette situation en développant le dépistage», relève le Pr Blanche.

En France, ces dernières années, avec le traitement préventif de la transmission du virus de la mère à l'enfant (une trithérapie comme celle administrée à la petite Américaine), seul 0,5% des nouveau-nés sont contaminés.

Mais dans certains pays pauvres, seules 60% des femmes infectées par le VIH bénéficient d'un traitement antirétroviral.

Pour la chercheuse Deborah Persaud (Université Johns Hopkins, Baltimore) qui a présenté le cas, le traitement précoce et intensif du bébé aurait empêché le virus de s'installer à l'état dormant dans des «réservoirs», d'où il peut ressurgir et dont on ignore comment le déloger. Elle souhaite conduire des essais cliniques sur un nombre suffisant d'enfants, pour vérifier si traiter énergiquement ces bébés contaminés dans les premières heures de la vie permettrait de répéter le résultat obtenu.

«Est-ce que vraiment cela sera valable pour d'autres enfants? Il faut attendre pour pouvoir le dire», souligne le Pr Blanche.

«Nous ne sommes pas certains que ce résultat soit généralisable et reproductible», renchérit le Dr Harry Moultrie (University the Witwatersrand, Johannesburg). Pour ce spécialiste sud-africain, un seul cas ne constitue pas une stratégie applicable à tous.

Dans les pays pauvres à forte endémie du VIH, penser que l'on va faire des tests et traiter des bébés dans les deux premiers jours de vie est «illusoire», estime le Pr Blanche. Quant à l'idée d'y traiter systématiquement tout bébé né de mère séropositive privée de traitement préventif pendant la grossesse, cela reviendrait à traiter 80% d'enfants indemnes, lance-t-il.