Des anticorps du lupus pourraient être utilisés pour combattre le cancer, a découvert une équipe de chercheurs américains.

Ces résultats expliquent pourquoi les victimes de cette maladie auto-immune - dans laquelle le système immunitaire attaque les cellules saines du corps - ont un risque moins élevé de développer certains cancers, notamment ceux du sein et des ovaires. Le lupus touche de 4000 à 8000 Québécois.

«Les résultats sont très excitants, particulièrement pour les cancers impliquant des défauts dans les gènes BRCA-1 et 2», explique Peter Glazer, généticien de l'Université Yale et auteur principal de l'étude publiée à la fin du mois d'octobre dans la revue Science Translational Medicine. «Nous devons encore faire des tests de toxicité sur la souris avant de passer à l'expérimentation humaine, mais c'est inespéré. Nous pensions nous servir de ces anticorps pour apporter dans les tumeurs des médicaments de chimiothérapie. Mais il semble que la simple présence de ces anticorps inhibe la réparation, par les cellules cancéreuses, des dommages causés par la radiothérapie et la chimiothérapie.»

L'étude aura un impact important sur les recherches de la Dre Sasha Bernatsky, rhumatologue de l'Université McGill, qui supervise avec des collègues la plus importante cohorte au monde de patients ayant le lupus - 16 000 en tout, dans divers pays. «Nous allons tout de suite avertir les organismes qui nous subventionnent de ces nouvelles données, explique la Dre Bernatsky. J'avais fait une demande l'an dernier pour examiner l'effet protecteur du lupus contre le cancer du sein. La Fondation américaine du lupus m'a avertie la semaine dernière de la nouvelle étude. Nous allons contacter ce groupe et tenter d'instaurer une collaboration. Ils ont le côté de science fondamentale et nous sommes forts en clinique.»

Emil Nashi, collègue de la Dre Bernatsky, note que les anticorps du lupus étudiés par les chercheurs de Yale semblent avoir peu d'effets secondaires sur l'humain. «Ils ont été passablement étudiés, alors ça devrait accélérer les études cliniques», affirme l'immunologue de McGill.

La découverte du Dr Glazer découle de plusieurs événements imprévus. «Un groupe de rhumatologues de l'Université de Californie à Los Angeles travaille depuis 20 ans sur un vaccin contre le lupus, dit-il en entrevue téléphonique. Ils n'ont pas réussi, mais ils ont montré que les anticorps du lupus pouvaient pénétrer dans les cellules humaines et y apporter des protéines. Dans le cadre de nos expériences pour tester cette capacité en chimiothérapie, nous avons voulu voir l'effet de l'antibiotique par lui-même, en combinaison avec la radiothérapie. Nous étions au bon endroit au bon moment, et avons vu ses propriétés extraordinaires.»

Les spécialistes du lupus ont longtemps cherché à savoir pourquoi leurs patients avaient un risque plus élevé de développer un lymphome. Toutefois, depuis une dizaine d'années, certains ont noté que d'autres cancers sont moins fréquents, dit la Dre Bernatsky. «Au début, on a avancé que c'était parce que les patients du lupus prennent davantage d'aspirine, mais finalement, on voit que c'est une caractéristique de la maladie.»

Les chercheurs de Yale ont testé avec succès les anticorps du lupus avec des cellules humaines de quatre types de cancer en éprouvette; avec la chimiothérapie et la radiothérapie, en éprouvette; ainsi qu'avec la chimiothérapie et des souris à qui des tumeurs de cancer du cerveau avaient été implantées dans l'abdomen.

L'inhibition de la capacité des tumeurs à réparer les dommages cellulaires causés par la chimiothérapie et la radiothérapie est cruciale, parce qu'elle augmente l'effet des traitements et diminue leur durée. Ces traitements visent les cellules qui se divisent activement, comme les tumeurs, mais peuvent aussi endommager des cellules saines du corps humain qui ont un taux élevé de division cellulaire, comme celles des cheveux et de la moelle osseuse.