La possible commercialisation aux États-Unis du premier traitement préventif contre le sida, après l'avis favorable d'un groupe d'experts, constitue une «avancée intéressante», mais pas une panacée, selon des spécialistes français.

«C'est une avancée. Mais il faut rester modeste, prudent et répéter que la base de la prévention, c'est l'utilisation du préservatif et la modification des comportements sexuels», explique le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) qui a engagé récemment un essai (Ipergay) sur le même médicament.

L'Agence américaine des médicaments (FDA) pourrait autoriser d'ici la mi-juin le Truvada comme premier traitement préventif aux États-Unis après un avis favorable d'un comité d'experts et une série d'essais positifs sur l'efficacité préventive du médicament.

Le Truvada, produit par le groupe pharmaceutique américain Gilead, est une combinaison de deux antirétroviraux déjà largement utilisée comme «traitement de base», mais pour les personnes séropositives, explique le Dr Cédric Arvieux de l'hôpital de Rennes (ouest).

«On l'utilise pour traiter des patients infectés par le VIH et aussi en prophylaxie post-exposition» pour des personnes qui pensent avoir été mises en contact avec le virus, lors d'un rapport sexuel à risque par exemple, indique Dr Arvieux qui préside le comité de Coordination régionale de lutte contre le VIH (Corevih) pour la Bretagne.

Cette fois, ce sont des personnes totalement indemnes du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) qui pourraient bientôt bénéficier du Truvada pour se protéger «dans des situations à risque» là où jusqu'à présent il n'y avait que le préservatif.

Les populations visées: «certaines catégories d'homosexuels, certains hétérosexuels et certains migrants», explique le Pr Delfraissy qui «s'attend» à un feu vert américain tandis que la décision européenne «pas forcément positive» ne tombera «pas avant le 1er trimestre 2013».

Pour le Dr Arvieux, un tel traitement peut aussi constituer «un moyen supplémentaire de prévention pour les "couples sérodifférents", homosexuels ou hétérosexuels, où l'un est séropositif et l'autre séronégatif».

De façon générale, «je trouve l'usage préventif du Truvada intéressant, c'est bien d'avoir d'autres moyens de prévention. Le préservatif n'est pas un échec, mais les données épidémiologiques montrent bien que ce n'est pas suffisant», explique-t-il.

D'après l'étude «iPrEx» conduite auprès de 2500 homosexuels dans six pays, dont les États-Unis, la prise quotidienne du Truvada réduirait de 44% le risque d'infection par VIH.

Généralement «bien toléré» par les patients, ce médicament ne va toutefois pas sans inconvénient. D'abord son coût élevé: il faut compter environ 10 000 euros par an en cas de prise quotidienne, ce qui rend hypothétique son utilisation dans les pays en développement.

L'arrivée d'un traitement préventif risque en outre d'induire des comportements à risque de la part de personnes qui pensent être chimiquement protégées alors que son efficacité reste bien inférieure à celle d'un préservatif.

Le Dr Arvieux «trouve un peu risqué de mettre en place à large échelle la commercialisation du Truvada alors qu'on n'a pas bien évalué l'impact sur les comportements».

Mais pour Christian Andreo, responsable d'Aides, première association française de lutte contre le VIH, «rien ne permet de dire» que ce traitement sera contre-productif en terme de comportement à risque.

«Le relâchement (dans l'usage du préservatif, NDLR) est déjà là et il est relatif», estime-t-il. «Le Truvada, ce n'est pas la solution magique, mais un outil de plus dans la palette des outils de prévention».