L'émergence mondiale de bactéries résistantes aux antibiotiques conduit les microbiologistes à scruter de plus en plus le rôle joué par la chaîne alimentaire dans ce phénomène préoccupant, objet d'une session dimanche au principal Congrès annuel sur les maladies infectieuses.

«D'importantes quantités d'antimicrobiens appartenant aux mêmes catégories que ceux utilisés chez les humains sont régulièrement administrées à des animaux d'élevage, pas seulement à des fins thérapeutiques, mais aussi pour doper leur croissance et empêcher qu'ils soient malades», a expliqué la Dr Awa Aidara-Kane, microbiologiste et coordinatrice du groupe de surveillance de résistance antimicrobienne à l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

«Cette pratique favorise l'émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques pouvant se propager parmi les humains par la consommation de nourriture contaminée, des contacts directs avec les animaux ou par la dissémination de ces pathogènes dans l'environnement», a-t-elle poursuivi dans une présentation à la 51e conférence annuelle de l'ICAAC (Interscience Conference on Antimicrobial Agents and Chemotherapy/ICAAC) réunie ce week-end à Chicago (Illinois, nord).

De plus, «des gènes codant la résistance aux antibiotiques chez des bactéries colonisant des animaux peuvent aussi être transmis à des pathogènes infectant les humains», insiste cette responsable de l'OMS.

Pour réduire le risque de l'émergence et de la propagation de bactéries résistantes via la consommation de produits alimentaires d'origine animale,  l'OMS recommande des restrictions voire l'élimination des antibiotiques pour doper la croissance du bétail.

Généralement, l'organisation internationale recommande de restreindre l'usage, chez les animaux, d'antibiotiques considérés comme essentiels à la santé humaine tels le fluoroquinolone et les plus récentes générations de céphalosporines.

«Nous observons un accroissement important de la résistance à ces céphalosporines dans des infections à la Salmonelle Heidelberg chez les humains», a précisé Beth Karp, vétérinaire épidémiologiste aux Centres fédéraux américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC).

«De 2008 à 2010, les cas de résistance sont passés de 8 à 24% (du total) et dans les poulets vendus au détail, les infections --comme des gastro-entérites-- provoquées par la Salmonelle Heidelberg ont atteint 31% en 2009 contre 17% en 2008», a-t-elle dit.

Cette souche est résistante à quasiment tous les antibiotiques.

Cette épidémiologiste vétérinaire s'est aussi dite inquiète quant à des risques de résistance aux antibiotiques céphalosporine chez d'autres sérotypes de Salmonelle.

Selon les CDC, la salmonelle nontyphoidal est la principale cause d'intoxications alimentaires aux États-Unis affectant environ 1,2 million de personnes annuellement dont 23 000 sont hospitalisées et 450 en décèdent.

Fin mai des associations de défense des consommateurs avaient porté plainte contre l'Agence américaine des médicaments (FDA) dénonçant l'usage effréné d'antibiotiques dans l'alimentation du bétail.

«Malgré un rapport et les lois obligeant la Food and Drug Administration à agir en conséquence, l'agence n'a pas pris de mesures pour protéger la santé publique», affirmaient-elles.

En 2010, la FDA avait toutefois encouragé les éleveurs à donner moins d'antibiotiques à leur cheptel et volaille pour réduire le risque d'accroître une résistance antimicrobienne.

Glenn Songer, professeur de médecine vétérinaire à l'Université d'Iowa a par ailleurs noté que certaines souches de la bactérie Clostridium difficile causant des maladies chez les animaux d'élevage comme les jeunes porcs jouent apparemment un rôle de plus en plus important dans les infections humaines.

C. difficile est résistante à la plupart des traitements et représente une grave menace en milieu hospitalier.