Un jardin aménagé au coeur de Toronto à la mémoire de dizaines de millions de victimes du sida marque le triste anniversaire de la découverte des premiers cas rapportés il y a trente ans.

Le 5 juin 1981, les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies identifiaient cinq hommes homosexuels de Los Angeles frappés d'un cas rare de pneumonie.

Deux mois plus tard d'autres victimes frappées du sarcome de Kaposi étaient défigurées par des tumeurs cutanées.

Le jardin dédié aux victimes du sida compte 12 piliers enfilés les uns à la suite des autres en demi-cercle. Sur 11 d'entre eux, on peut lire les noms de victimes de la maladie. Pour l'année 1982, on ne retrouve qu'un nom, toutefois, le nombre s'accroît dramatiquement sur les colonnes des années subséquentes.

Après la découverte des premiers cas, surtout dans les grandes villes comme New York, Los Angeles, Toronto et Vancouver, la maladie surnommée la «peste des gays» a commencé à se répandre, devant l'impuissance des médecins.

Le Dr Philip Berger qui débutait alors sa pratique au centre-ville de Toronto se rappelle cette époque comme une tragédie contre laquelle on ne pouvait rien. «Les gens ont commencé à être vraiment malades au début des années 1980, des années terribles où la menace de mort était présente partout, avec des infections terribles, des tumeurs monstrueuses et la fin était impitoyable. Et il n'y avait pas grand-chose qu'un médecin pouvait faire.»

Le Dr Berger, qui traitait une clientèle largement homosexuelle a perdu jusqu'à six patients par mois à partir de 1984, une hémorragie qui s'est poursuivie au cours de la décennie suivante. En tout, il estime à plusieurs centaines, le nombre de ses patients qui sont morts du sida.

Pour traiter ses malades, il ne disposait d'aucune connaissance du problème, il ne pouvait que les soulager avec des somnifères, des comprimés contre la douleur et du réconfort.

Le médecin est resté marqué par les images de patients atteints du sarcome de Kaposi dont la figure et le corps éteints recouverts de lésions hideuses ressemblant à des raisins et qui bourgeonnaient sur la peau, mais aussi dans la bouche, les narines, même dans les organes internes comme les poumons et les intestins.

C'est en 1984 que la maladie a été diagnostiquée comme le syndrome d'immunodéficience acquise, le sida, et son virus le VIH qui peut être transmis par le sang, le sperme ou même le lait maternel. La maladie se propage alors rapidement par des transfusions de sang contaminé, frappant autant les hétérosexuels que les nouveau-nés dont la mère est porteuse du virus. Le VIH pouvait infecter tout le monde et c'est ce qu'il a fait.

Ce n'est qu'en 1996-1997 que des recherches intensives ont permis de mettre au point une thérapie antirétrovirale transformant cette infection mortelle en maladie souvent chronique, mais au moins possible à traiter.

Même si la maladie est sous contrôle, les patients qui en sont atteints sont fragiles. Selon Michael Blair, le directeur des programmes communautaires et de placement des étudiants à la maison Fife, un refuge torontois pour les personnes atteintes du sida, la situation de ces derniers se détériore rapidement avec l'âge. Il souligne les cas de diabète, les problèmes cardiaques, l'hypertension artérielle, le cancer.

À cela s'ajoutent les problèmes psychologiques allègue Keith Hambly, le directeur de la maison Fife. «Plusieurs personnes séropositives ont vu disparaître des membres de leur communauté et leur ont survécu.»

Les porteurs du VIH ont perdu leur travail, leurs amis, leur intimité, indique Keith Hambly, elles se demandent qui voudra d'un séropositif dans sa vie.

En 2009, on a estimé qu'environ 65 000 Canadiens avaient été infectés par le virus du sida et que 13 000 en étaient morts. À travers le monde, près de 30 millions de personnes sont décédées depuis la découverte du premier cas en 1981 et 34 millions vivent présentement avec le VIH. Le sida tue environ deux millions de personnes par année surtout dans les pays du tiers-monde où l'accès au traitement est déficient.