Elias Konstantopoulos a entièrement perdu la vue depuis cinq ans. Mais à l'aide d'électrodes minuscules implantées dans son oeil droit, ce retraité américain peut désormais distinguer des taches de lumière et espère un jour retrouver la vue.

Chaque matin, l'ancien électricien chausse une paire de lunettes sur laquelle est fixée une petite caméra sans fil reliée électroniquement à son «oeil bionique». Il sort dans son jardin et guette le bruit des automobiles. Quand une voiture passe, M. Konstantopoulos dit qu'il distingue comme un bloc de lumière traversant son champ de vision.

«Sans ce système, je ne vois rien. Avec ça, il y a comme un peu d'espoir. Je vois quelque chose», témoigne-t-il. «A plus long terme, qui sait ce que peut faire la technologie? Tout arrive petit à petit...»

En 2009, le non-voyant a accepté d'essayer pendant trois ans le dispositif «Argus II» mis au point par Second Sight («Deuxième vue»), une société californienne. L'implantation des électrodes dans l'oeil, qui a duré trois heures, n'a causé pratiquement aucune douleur. On ne remarque rien dans l'oeil du patient.

À l'aide de ce dispositif, M. Konstantopoulos parvient à distinguer des objets clairs sur fond sombre et à se diriger dans sa maison de la banlieue de Baltimore, dans l'est des États-Unis, en repérant la lumière du soleil qui pénètre par les fenêtres.

Une fois par semaine, le retraité âgé de 72 ans se rend à l'hôpital de l'Université Johns Hopkins de Baltimore, où il exerce son oeil à l'aide d'un d'ordinateur: des chercheurs lui demandent de suivre du doigt une tache noire qui se déplace sur l'écran. Ils l'emmènent aussi en promenade dans les couloirs pour voir s'il parvient à distinguer certains objets.

Treize autres aveugles expérimentent actuellement l'Argus II aux États-Unis et 16 en Europe. Le système, qui coûte 100.000 dollars, fonctionne un peu comme les implants auditifs qui ont permis à des centaines de milliers de sourds de récupérer l'ouïe.

La caméra posée sur les lunettes du patient transforme les images en signaux électriques transmis aux électrodes implantées dans la rétine. Le nerf optique les transmet au cerveau qui distingue des taches de lumière et des formes floues.

«Ça reste un degré de vision très rudimentaire, mais c'est le début d'un progrès», observe Gislin Dagnelie, l'ophtalmologiste qui suit M. Konstantopoulos. «Nous tentons d'apprendre à parler à la rétine».

M. Konstantopoulos apprend ainsi petit à petit à faire correspondre différents signaux lumineux à telle ou telle forme

Pour Brian Mech, vice-président de Second Sight, les progrès de la technologie sont constants. L'oeil de dernière génération compte 60 électrodes, contre 16 dans la première version. Mais ces avancées ne sont pas forcément bénéfiques pour tout le monde.

«Pour les gens qui ont perdu la vue depuis longtemps, l'apport n'est pas aussi net», reconnaît le Dr Dagnelie, ajoutant que la technologie mettra du temps à progresser: «Nous espérons que d'ici 10 ou 15 ans nous aurons un système vraiment utile sur le plan clinique».

En attendant, Elias Konstantopoulos rêve qu'un jour il parviendra à distinguer le visage de son petit-fils, âgé de 18 mois. «Ma plus grande tristesse est de n'avoir jamais vu son visage», confie-t-il. «Enfin pas encore».