Un gel mis au point par des chercheurs britanniques donne des résultats très encourageants pour la cicatrisation des ulcères de jambe et de certaines lésions oculaires et pourrait bien, dans quelque temps, trouver des applications encore plus larges, jusqu'à soigner les bobos du quotidien.

Connie McPherson a souffert pendant trois ans d'ulcères aux jambes si douloureux qu'ils l'empêchaient parfois de dormir. Elle avait tout essayé - chirurgie, antibiotiques, stéroïdes - en vain. Jusqu'à l'an dernier, lorsqu'elle a participé à un essai thérapeutique. Il s'agissait de tester un gel sur des blessures chroniques. En quelques semaines, l'ulcère traité a complètement guéri, raconte cette Américaine de 58 ans. «J'ai essayé tout ce qui était possible et imaginable et c'est la seule chose qui ait fonctionné».

Le gel a été mis au point par l'équipe de David Becker, professeur de biologie cellulaire au University College London (UCL). Baptisé Nexagon, le gel interrompt la communication entre les cellules et bloque ainsi la production d'une protéine qui empêche la cicatrisation - ce qui permet à la peau de se reconstruire plus rapidement.

Le gel n'a pour l'instant été testé que sur une centaine de patients, mais des scientifiques sans lien avec sa mise au point ou sa future commercialisation jugent ses résultats prometteurs.

Dans la plupart des blessures chroniques, on relève un niveau anormal d'une protéine liée à l'inflammation, note David Becker. Son équipe a donc fabriqué un gel à base de fragments d'ADN qui bloquent la production de cette protéine. «Tandis que cette protéine est stoppée, les cellules s'installent pour refermer la blessure», explique le Pr Becker.

Ce gel transparent, qui a la consistance d'une pâte dentifrice, a été testé sur des ulcères de jambe. Cette étude préliminaire a été conduite par CoDa Therapeutics, la société que M. Becker a créée avec des associés pour mettre au point Nexagon. Au bout de quatre semaines, le nombre de patients dont l'ulcère était complètement guéri était cinq fois plus élevé dans le groupe qui avait reçu le gel que dans le groupe qui ne l'avait pas reçu. D'habitude, un ulcère de la jambe met en moyenne six mois à cicatriser.

«Il semble que le gel a un effet positif sur la restauration de la couche externe» de la peau, observe Phil Stephens, qui dirige le département de réparation tissulaire à l'université de Cardiff et qui n'a aucun lien avec les recherches de David Becker. Cependant, met-il en garde, il ne faudrait pas bloquer totalement l'inflammation. «Il faut que les cellules inflammatoires entrent dans la blessure et la nettoient».

Le gel a aussi été utilisé sur une poignée de personnes qui souffraient de graves brûlures chimiques aux yeux. Dans six cas, la couche externe de l'oeil et les vaisseaux qu'elle contenait se sont reformés, sauvant ainsi la vue des patients. Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA, chargée d'homologuer les médicaments) a donné son aval à l'utilisation du Nexagon dans le traitement des blessures graves de l'oeil.

«Ce gel a le potentiel de faire beaucoup de bien», considère le Dr Thomas Serena, directeur des Centres Penn North pour le traitement avancé des blessures.

Une autre étude est prévue qui devrait permettre de déterminer le meilleur dosage pour le Nexagon et surtout déceler les effets secondaires.

D'autres gels sont déjà sur le marché mais ne peuvent pas être utilisés sur tous les patients. Des traitements alternatifs existent pour accélérer la cicatrisation, qui vont des asticots à la bio-ingénierie cutanée, où une protéine régule croissance et division cellulaires.