Une nouvelle superbactérie, d'origine indienne, fait les manchettes médicales cette semaine. Deux cas sont déjà déclarés au Canada.

«Les deux Canadiens avaient visité l'Inde», explique Johann Pitout, microbiologiste à l'Université de Calgary, qui signe un commentaire accompagnant une étude britannique sur la mutation bactérienne New Delhi metallo-beta-lactamase (NDM-1) dans la revue The Lancet. «C'est inquiétant parce que la mutation touche un type de bactéries, les gram-négatives, pour lesquelles il existe moins d'antibiotiques que pour les gram-positives comme le staphylocoque doré. Il y a eu très peu de recherches pharmaceutiques sur les bactéries gram-négatives depuis deux décennies. Tous les efforts ont été mis sur le staphylocoque doré. Il n'y a que deux antibiotiques qui peuvent traiter les patients infectés par la bactérie NDM-1, contre cinq ou six pour les bactéries gram-positives multirésistantes.»

«Une bonne proportion de la cinquantaine de cas déclarés au Royaume-Uni sont des gens qui ont fait du tourisme médical pour avoir une opération plus rapide ou à prix réduit», explique l'auteur de l'étude du Lancet, Timothy Walsh de l'Université de Cardiff. «C'est une conséquence directe des appels irresponsables à l'utilisation des hôpitaux indiens pour réduire les dépenses de santé du gouvernement britannique.» Au début de l'année, le quotidien londonien The Independent avait avancé que des dizaines de millions de livres pourraient être épargnées de cette manière.

Pourquoi la superbactérie est-elle apparue en Inde? «Presque n'importe qui peut prescrire des antibiotiques, en Inde, dit le microbiologiste Walsh. On en trouve à la pharmacie du coin sans ordonnance. C'est un problème grave.»

En mars dernier, le Journal of the Indian Medical Association avait condamné cette pratique en éditorial, affirmant qu'elle mènerait à la «notice nécrologique» des antibiotiques. «Les médecins indiens font comme si Alexander Fleming avait inventé la pénicilline hier», déplorait l'auteur de l'éditorial.

L'Agence de santé publique du Canada minimise le problème, qui a poussé les autorités médicales britanniques à lancer une alerte à la résistance en avril 2009. «Ce n'est pas différent du problème de la multirésistance d'autres bactéries», indique Howard Njoo, directeur général du Centre de lutte contre les maladies transmissibles et les infections de l'Agence. Des deux patients canadiens, l'un de l'Alberta et l'autre de la Colombie-Britannique, aucun n'avait contracté son infection à cause du tourisme médical.

L'étude du Dr Walsh souligne qu'une bonne proportion des patients indiens atteints de NDM-1 ont été contaminés à l'extérieur des hôpitaux, par l'alimentation. Faut-il éviter l'Inde? «Non, dit le Dr Walsh. C'est un pays merveilleux. Il suffit de prendre les précautions d'usage: faire attention à ce qu'on mange, boire de l'eau embouteillée.»