La gonorrhée, l'une des infections transmissibles sexuellement (ITS) les plus répandues au Québec, est devenue résistante à la plupart des antibiotiques, préviennent des spécialistes en santé sexuelle des quatre coins du monde. Des experts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) se réuniront d'ailleurs la semaine prochaine à Manille, aux Philippines, pour discuter des nouvelles options de traitement.

La résistance de la gonorrhée aux médicaments ne date pas d'hier. Depuis les années 70, la bactérie a évolué pour survivre à divers antibiotiques tels que la pénicilline, la doxycycline ou les quinolones.

Au Québec, les médecins prescrivent un quatrième type d'antibiotique depuis 2008 : le ceftriaxone. «Or, on est déjà en train d'observer que ce traitement a diminué en efficacité, surtout dans la population homosexuelle, explique le Dr Denis Phaneuf, microbiologiste et infectiologue au CHUM. D'ici à la fin de l'année, on pense que le médicament ne sera plus efficace chez les patients gais. À preuve, la dose à administrer a bondi de 125 mg à environ 1 ou 2 g.»

Selon Cathy Ison, sommité en la matière et chercheuse à l'Agence de la protection de la santé de Grande-Bretagne, le scénario est le même en Australie, au Japon, en Chine et dans plusieurs autres pays d'Asie. Pour la première fois, les praticiens pourraient donc avoir à prescrire plus d'un médicament pour combattre la maladie.

«L'objectif de la rencontre de l'OMS est de mettre sur pied une nouvelle stratégie de traitement. Nous pourrions maintenant avoir à utiliser plus d'un médicament à la fois ou un seul médicament durant une période plus longue», a-t-elle affirmé, hier, au quotidien anglais The Independent. «Nous devons également améliorer la communication entre les États.»

Le Dr Denis Phaneuf, qui traite les cas lourds d'ITS, craint que des traitements de plus en plus complexes ne facilitent la transmission de la bactérie.

«C'est plus difficile de traiter une maladie qui exige que le patient se présente deux ou trois fois à l'hôpital pour corriger le tir. On risque de perdre des joueurs. Par ailleurs, en médecine, il y a toujours un petit délai entre les connaissances et leur application. Ce qui est inquiétant, c'est qu'il risque donc d'y avoir une augmentation importante des cas.»

Une gonorrhée non traitée peut engendrer de nombreuses complications comme des maladies inflammatoires pelviennes, des grossesses ectopiques et même l'infertilité. Chez les hommes, elle peut provoquer un rétrécissement de l'urètre. En 2006, l'Agence de santé publique du Canada a répertorié 11 334 cas au pays. Selon l'Institut national de santé publique du Québec, la maladie frappe principalement les hommes de 20 à 29 ans et les femmes de 15 à 24 ans.