L'épidémie mondiale d'asthme pourrait être liée aux campagnes pour éliminer les vers parasites de l'homme: une des conclusions surprenantes de la médecine évolutive, discipline récente qui a fait le point cette semaine à Berlin.

Développée depuis quelque vingt ans, la médecine évolutive applique à la recherche médicale les théories de Darwin, exposées il y a 150 ans dans «l'Origine des espèces» et qui guident depuis longtemps les biologistes.

Elle cherche à comprendre «pourquoi la sélection naturelle a fabriqué des corps vulnérables», a expliqué le Professeur Randolph Nesse, un des pionniers de la discipline, lors du premier Sommet mondial de la santé qui se tient jusqu'à dimanche à Berlin.

«Sa première contribution est d'aider les médecins et les chercheurs à réaliser que le corps n'est pas une machine conçue par des ingénieurs, mais un organisme formé par la sélection naturelle et dont certaines parties ont des défauts», a expliqué ce chercheur de l'université américaine du Michigan.

Ainsi la myopie, bien que fortement héréditaire, n'est pas un atout pour l'être humain mais une excentricité de la nature.

Un des domaines de recherche de cette médecine darwinienne est l'émergence d'épidémies nouvelles comme l'asthme ou l'obésité, «dues à des changements dans l'environnement auquel le corps ne parvient pas à s'adapter assez rapidement».

«L'épidémie mondiale d'asthme peut être directement liée aux efforts très efficaces de la médecine pour éliminer les vers parasites», estime Randolph Nesse.

Kathleen Barnes, résumant les travaux d'un groupe de travail d'une quinzaine de chercheurs du monde entier a ainsi indiqué que, «l'hypothèse de l'hygiène» semble expliquer la plus grande susceptibilité des sociétés modernes à l'asthme, aux allergies et maladies auto-immunitaires.

Ces sociétés sont beaucoup plus vulnérables que des sociétés peu développées qui, vivant dans de mauvaises conditions d'hygiène, «sont plus exposées aux parasites et aux infections microbiennes», et se constituent ainsi une résistance.

Une autre domaine de recherche est l'utilité de l'anxiété et des dépressions. «Toutes les émotions négatives ne sont pas des maladies», a estimé Dan Stein, de l'Université de Cape Town.

«Un stress extrême après un traumatisme est parfaitement normal», a-t-il affirmé, et il est donc abusif voire néfaste d'appliquer systématiquement des thérapies cognitives et comportementales pour toutes les victimes d'une catastrophe ou d'un attentat.

Autre exemple de mécanisme hérité de l'évolution: l'anxiété de l'orateur avant de s'adresser au public. Le corps se prépare à une menace: l'homme ne risque plus d'être tué par ses semblables, mais d'être critiqué, a expliqué le chercheur.

L'épidémie d'obésité qui frappe les sociétés riches est due à de multiples facteurs, y compris l'apparition des «fast-foods», a reconnu William Leonard, de l'Université américaine Northwestern. Mais sur le long terme elle résulte du déséquilibre entre une abondance et une richesse accrues de la nourriture, d'une part, et des dépenses d'énergie décroissantes pour se la procurer depuis le paléolithique, d'autre part.

Le Sommet mondial de la santé réunit pour la première fois non seulement médecins et chercheurs mais aussi représentants de l'industrie pharmaceutique, des gouvernements et des ONG pour contribuer au développement de stratégies intégrées notamment face aux épidémies nouvelles, comme l'obésité, et face aux moins récentes: sida, tuberculose et paludisme.