Congeler ses ovules pour préserver sa fertilité. C'est ce qu'a fait Liz Elwood en 2006, lorsqu'elle a appris qu'elle était atteinte d'un cancer du col de l'utérus. En attendant d'être utilisés, ses 19 ovocytes sont entreposés au Centre de reproduction McGill, reconnu comme le chef de file nord-américain en matière de congélation des ovules.

Liz Elwood avait 24 ans lorsque le diagnostic est tombé. Informée par son oncologue des impacts irréversibles que pourraient avoir les traitements de radiothérapie et de chimiothérapie sur sa fertilité - ceux-ci peuvent entraîner une ménopause prématurée -, la résidente d'Ottawa a refusé de faire une croix sur ses chances d'avoir un jour un enfant. «Avant de commencer les traitements, j'ai décidé d'entamer des recherches pour trouver une façon de préserver ma fertilité, raconte-t-elle. Je n'ai pas obtenu beaucoup d'information de la part de mon oncologue. Il était au courant que des traitements étaient offerts à McGill, mais il ne semblait pas très positif. J'ai dû trouver l'information par moi-même.» Pour pallier ce manque de ressources, Liz Elwood a par la suite fondé l'organisme Fertile Future.Bien que la maturation in vitro et la congélation d'ovocytes (ovules) et d'embryons soient offertes depuis près de dix ans à McGill, peu d'oncologues en connaissent l'existence, déplore le Dr Michael Dahan, gynécologue-obstétricien, enseignant à l'Université McGill et membre de l'équipe du Centre de reproduction. Ainsi, plusieurs des femmes qui frappent à la porte du centre n'y ont pas été référées par leur médecin.

«Dans le cas des patientes atteintes de cancer, il faut agir vite, souligne le Dr Dahan. Les ovules doivent être prélevés avant le début des traitements contre le cancer.» Pour cette raison, il arrive souvent que la fécondation in vitro ne puisse être utilisée. Celle-ci nécessite un traitement d'hormonothérapie pour stimuler la production d'ovules, ce qui peut prendre jusqu'à un mois. «La prise d'hormones peut également faire empirer la maladie», indique le Dr Dahan.

Une technique développée par les chercheurs du Centre universitaire de santé McGill permet maintenant de prélever des ovocytes immatures dans les ovaires et les amener à maturité en laboratoire. Appelée maturation in vitro, cette technique n'est pratiquée qu'à cinq endroits dans le monde, dont à McGill. Son taux de succès est cependant plus faible que celui de la fécondation in vitro. Entre 20% et 25% des ovules prélevés dans le cadre de la maturation in vitro mènent à une grossesse. Pour la fécondation in vitro, le taux de grossesse varie entre 40 et 45%. «Selon la patiente, nous utilisons la technique qui présente le meilleur taux de succès et qui ne l'exposera pas à des risques», précise le Dr Dahan.

Les ovules prélevés peuvent ensuite être congelés ou fécondés par les spermatozoïdes du conjoint. Ce sera alors l'embryon qui sera congelé. Or, l'accord des deux cojoints sera nécessaire pour son transfert dans l'utérus, lequel a généralement lieu entre 10 et 15 ans plus tard. Plusieurs femmes préfèrent donc congeler leurs ovules au cas où une séparation surviendrait.

Congélation ultra-rapide

Les chercheurs du Centre universitaire de santé McGill ont également mis au point une technique pour mieux préserver l'intégrité des ovules, plus sensibles à la congélation que les embryons. En permettant leur congélation ultra-rapide, la vitrification empêche la formation de cristaux de glace qui, lors d'une congélation régulière, endommagent les informations génétiques des ovules.

Selon le Dr Dahan, l'azote liquide dans lequel sont congelés les ovules permet en théorie de les conserver indéfiniment. Une fois l'ovule décongelé et fécondé, l'embryon qui en résulte peut être transféré dans l'utérus de la femme. Notons que les hommes atteints de cancer peuvent également faire congeler leurs spermatozoïdes.

«Comme nous offrons ce traitement depuis moins de dix ans, très peu de femmes ont utilisé les ovules qu'elles avaient congelés, remarque Dr Dahan. Jusqu'à maintenant, nous avons réalisé une soixantaine de transferts chez des femmes qui ont eu le cancer, alors que 149 femmes ont fait congeler leurs ovules.» Le taux de succès de transfert d'un embryon créé à partir d'un ovule congelé est d'environ 40%.

Liz Elwood prévoit utliser bientôt les ovules qu'elle a congelés. «Comme je ne peux pas porter d'embryon, nous ferons appel à une mère porteuse», indique-t-elle. L'Ontario permet le recours aux mères porteuses, mais pas le Québec.

Le coût de la fécondation ou de la maturation in vitro, jumelée à la congélation des ovules ou de l'embryon, peut atteindre 10 000$. Le Fonds des Petits Miracles du Centre de reproduction McGill peut défrayer une grande partie des coûts.

Le Dr Michael Dahan est convaincu que l'effet du traitement dépasse la préservation de la fertilité. «Des études ont démontré que la simple action de congeler ses ovules a un effet psychologique bénéfique sur la femme atteinte de cancer, dit-il. Ça l'aide beaucoup de savoir qu'elle a la possibilité de laisser quelque chose sur Terre.»