Oubliez les stéroïdes et l'EPO. À la veille des Jeux olympiques de Rio, une nouvelle forme de dopage est sur toutes les lèvres : le dopage génétique. Les experts jugent peu probable que la technique soit utilisée pendant les jeux actuels, mais l'Agence mondiale antidopage redouble d'efforts pour trouver des moyens de la détecter avant qu'elle ne se répande parmi les athlètes. Le point sur ce nec plus ultra de la triche sportive en cinq questions.

COMMENT ÇA MARCHE ?

Le principe du dopage génétique est relativement simple. Il consiste à injecter dans les muscles des gènes qui sécrètent des protéines capables de réparer ces muscles, de les faire grossir ou de les rendre plus résistants. La façon la plus simple d'acheminer les gènes au bon endroit est de les faire transporter par des virus. En 1997, le physiologiste H. Lee Sweeney, aujourd'hui à l'Université de Floride, a utilisé la technique sur des souris et montré qu'il pouvait les rendre jusqu'à 27 % plus fortes. Ces « souris Schwarzenegger », comme on les a surnommées, n'ont pas échappé à l'attention des athlètes. En 2008, l'expert a affirmé au magazine Scientific American qu'il refusait régulièrement de l'argent de la part d'athlètes qui sollicitaient son aide pour augmenter leur masse musculaire.

POURQUOI LES SCIENTIFIQUES ONT-ILS INVENTÉ UNE TELLE TECHNIQUE ?

L'objectif des chercheurs n'a jamais été d'aider les athlètes à tricher, mais bien de soigner les gens atteints de problèmes musculaires. Injecter des gènes étrangers dans les muscles est un exemple de ce qu'on appelle plus largement les « thérapies géniques », et dont l'idée se résume ainsi : utiliser les gènes comme des médicaments. Les thérapies géniques ont suscité beaucoup d'espoir dans les années 90 avant d'amener un certain désenchantement. C'est que la presque totalité des essais a conduit à des effets imprévus. Aux dernières nouvelles, seulement deux thérapies géniques avaient été approuvées dans le monde, dont aucune aux États-Unis, le plus gros marché de la planète.

EST-CE DANGEREUX ?

C'est extrêmement dangereux. L'un des principaux problèmes du dopage génétique est que le système immunitaire peut réagir de façon brutale et imprévisible à l'introduction des gènes étrangers ou du virus qui les transporte, ce qui peut être mortel. Aux États-Unis, les Instituts de santé publique évoquent « la toxicité, l'inflammation et le cancer » parmi les risques des thérapies géniques. En entrevue l'an dernier au New York Magazine, l'expert H. Lee Sweeney a dit croire qu'il faudrait probablement supprimer le système immunitaire des athlètes avant d'effectuer le dopage génétique. Bref, il semble qu'il faudra encore plusieurs années avant d'aboutir à une technique vraiment maîtrisée.

EST-CE UTILISÉ ACTUELLEMENT ?

Il existe au moins un cas suspect. Le Repoxygen est un médicament expérimental contre l'anémie dont le développement a été abandonné dans les années 2000. Il contient le gène qui fabrique la fameuse EPO, cette hormone qui augmente la quantité de globules rouges dans le sang et permet de transporter plus d'oxygène. En 2006, lors du procès de l'ex-entraîneur d'athlétisme allemand Thomas Springstein, des courriels ont montré qu'il se plaignait de la difficulté à trouver du Repoxygen. Dans un article publié en 2014 dans le journal Biology of Sports, des scientifiques polonais ont aussi affirmé qu'il est possible que certains athlètes utilisent déjà des anticorps qui bloquent la myostatine, une substance qui limite la croissance des muscles.

« Il y a peut-être quelques personnes qui rêvent des Jeux olympiques et sont prêtes à risquer leur carrière, leur santé et leur vie en se faisant aider d'un scientifique sans scrupules. Mais je doute que l'ingénierie génétique ait un impact significatif sur les Jeux dans un avenir prévisible », écrit le journaliste scientifique John Horgan dans un article récent du Scientific American.

PEUT-ON DÉTECTER LE DOPAGE GÉNÉTIQUE ?

Pour l'instant, non. Le problème est que les protéines produites par les gènes injectés restent généralement dans les muscles et ne se retrouvent pas dans le sang ou l'urine. La seule méthode de détection serait d'aller prélever de petits morceaux de muscles chez les athlètes aux endroits suspects - une idée évidemment impraticable. L'Agence mondiale antidopage a toutefois tenu pas moins de quatre symposiums sur le dopage génétique et parle de « développement des plus prometteurs ». Les efforts visent à trouver des indices de la présence de gènes étrangers, des virus utilisés pour les transporter ou de la réaction immunitaire découlant de leur injection. Une autre idée serait d'accumuler des données biologiques sur les athlètes et d'étudier leur évolution dans le temps pour détecter des anormalités.

LE DOPAGE CELLULAIRE

Été 2014. En pleine Coupe du monde de soccer, l'Argentin Angel di Maria se blesse à la cuisse droite. Des journaux européens révèlent qu'on étudie la possibilité de le soigner avec des cellules souches, ces cellules « mères » à partir desquelles toutes les autres se développent. L'idée : les utiliser pour recréer des cellules musculaires et accélérer la guérison. Selon les médias français L'Obs et Rue89, la technique est courante, certains joueurs de soccer ayant de côté leurs propres cellules souches en cas de blessure. Légal ? Illégal ? Ce n'est pas parfaitement clair. En 2013, l'Agence mondiale antidopage a tenu pour la première fois une séance sur ce qu'elle appelle « le dopage et la thérapie cellulaire ».