Lâcher des moustiques génétiquement modifiés dans la nature pour combattre la propagation du paludisme, du Zika et d'autres infections transmises par ces insectes, est prématurée, conclut un rapport des Académies américaines des sciences (NASEM), tout en jugeant cette technologie prometteuse.

Ce groupe d'experts estime que « la science émergente d'une technique de manipulation génétique de dissémination des gènes («gene drive», NDLR) a le potentiel de répondre à des problèmes environnementaux et de santé publique », dans un rapport publié mercredi.

Mais les organismes modifiés génétiquement par cette technique « ne sont pas prêts à être lâchés dans l'environnement et nécessitent davantage de recherche en laboratoire et des essais dans la nature extrêmement contrôlés », soulignent les scientifiques des Académies américaines des sciences, d'ingénierie et de médecine.

La stratégie consiste à introduire des gènes dans les populations de moustiques sauvages, par exemple, qui les rendent résistants à une infection par la Plasmodium, le parasite du paludisme, ou par le virus du Zika ou de la dengue.

Des scientifiques partout dans le monde exploitent un nouvel outil d'édition génétique appelé CRISPR inspiré d'un mécanisme naturel utilisé par les bactéries pour se défendre contre les virus.

Avec CRISPR, les chercheurs peuvent aisément et à faible coût induire des changements génétiques spécifiques dans un organisme.

Ces modifications peuvent en principe être disséminées intentionnellement dans l'ensemble d'une population, et ce rapidement avec la technique du « gene drive » qui permet à ce trait génétique d'être transmis d'une génération à l'autre, et de devenir en fait héréditaire.

Des résultats préliminaires montrent qu'en laboratoire cette technique peut disséminer un gène dans près de 100 % d'une population de levure, de mouches drosophiles ou de moustiques.

Outre la création de nouvelles populations de moustiques OGM ne pouvant pas être infectés par le parasite du paludisme ou les virus du zika ou de la dengue, cette technique de propagation de gène peut aussi être utilisée pour altérer durablement des organismes destructeurs de récoltes ou porteurs de maladies.

Mais cette technique du « gene drive » pourrait aussi avoir des conséquences inattendues néfastes comme la perturbation d'autres espèces ou la création d'organismes invasifs nuisibles ultras résistants mettent en garde les auteurs du rapport.

« La science et la technologie liées à cette technique de dissémination génétique avancent très rapidement », relève James Collins, professeur d'histoire naturelle à l'Université d'État d'Arizona, président du groupe d'experts qui a produit le rapport.

« Mais avant de mettre dans l'environnement de tels organismes OGM, notre comité de scientifiques estime qu'il faut faire beaucoup plus de recherche pour en comprendre les conséquences scientifiques, éthiques et sociales », insiste-t-il.

Cela nécessitera une collaboration entre de multiples champs de recherche, dont la biologie moléculaire, la génétique des populations, la biologie de l'évolution et l'écologie.

Enfin, ce groupe d'experts estime que les réglementations actuelles sont insuffisantes pour évaluer les risques et les effets potentiels sur l'environnement de cette nouvelle technologie.

Jusqu'en mai 2016, aucune évaluation du risque écologique n'avait été effectuée, regrettent ces scientifiques.