Ni OGM, ni processus classique de sélection par croisements successifs: des chercheurs ont dévoilé dimanche une technique révolutionnaire pour produire en un temps record des semences à fort rendement ou résistantes au changement climatique.

Les premiers bénéficiaires de cette technique baptisée «MutMat» pourraient être les agriculteurs des côtes japonaises frappées par le tsunami en mars dernier, qui auront besoin d'un riz résistant au sel pour leurs rizières inondées par la mer.

Cette nouvelle technique, publiée dimanche dans la revue Nature Biotechnology, dope artificiellement les mutations dans une plante souche pour faciliter la détection des variantes génétiques qui lui confèrent ses qualités spécifiques.

Une fois identifiés, les gènes associés à ces qualités (vitesse de croissance, rendement, résistance à la sécheresse, aux maladies, etc.) peuvent alors être réintroduits dans la plante souche «par un croisement classique. Cette approche n'utilise absolument aucune modification génétique de type OGM», explique Sophien Kamoun, du Laboratoire Sainsbury de Norwich (Royaume-Uni).

Actuellement, développer une nouvelle variété de plante aux caractéristiques spécifiques, un «cultivar» dans le jargon botanique, est un processus ardu qui peut prendre de cinq à dix ans.

Les agronomes doivent d'abord identifier la caractéristique voulue, puis la développer patiemment au fil des générations pour que ce caractère finisse par s'implanter chez tous les descendants de cette souche, en éliminant parallèlement d'éventuels traits indésirables.

La technique «MutMat» permettrait de réduire ce délai à un an environ, estiment ses développeurs.

«Cela permet de trouver plus vite l'aiguille dans la botte de foin», résume le Pr Kamoun dans un entretien téléphonique avec l'AFP.

Pour mettre au point leur technique, les chercheurs britanniques et japonais ont procédé à une expérimentation sur un cultivar de riz «sauvage» appelé Hitomebore, originaire du nord du Japon.

Ils ont commencé par «doper» la capacité de cette souche à muter en l'exposant à un composé chimique, qui a produit quelque 1500 variantes génétiques du même riz, chacune dotée de particularités distinctes.

Toutes ces variantes d'Hitomebore ont ensuite été cultivées et parmi les 10 000 plants obtenus, les scientifiques dirigés par Ryohei Terauchi, du Centre de recherches sur les biotechnologies d'Iwate, ont sélectionné un «mutant» qui présentait un rendement particulièrement élevé.

La prochaine étape a consisté à croiser ce mutant avec la souche de riz originelle et à cultiver à son tour cette variante en rizière.

Il ne restait alors plus qu'aux chercheurs à comparer deux génomes, celui du rejeton hybride et celui de l'Hitomebore «sauvage» d'origine, pour trouver facilement les modifications génétiques responsables du rendement élevé du mutant.

Dans le cadre de l'expérience sur ce riz, l'équipe du Dr Terauchi s'est attachée à pister les marqueurs dits du «semi-nanisme», qui produit des plants à la tige courte et robuste, donc résistante, mais à l'épi bien chargé en grains.

Forts de cette première réussite avec le «MutMat», les chercheurs ont depuis lors produit différents plants d'Hitomebore «mutant» capables de résister à une eau très saline.

«Une fois que les gènes qui contribuent à cette résistance au sel auront été identifiés, ils pourrait être utilisés pour développer des cultivars de riz adaptés aux quelque 20 000 hectares de rizières qui ont été inondées par le tsunami le long de la côte septentrionale du Japon», indique l'étude.

Selon le Pr Kamoun, cette technique est particulièrement prometteuse car elle permettrait d'améliorer encore des souches qui se sont déjà adaptées naturellement au fil du temps à des conditions locales particulières.

D'autres cultures ayant un génome relativement petit et simple feraient d'excellents candidats pour le MutMat, mais le blé et le maïs poseraient davantage de difficultés, souligne-t-il.