Les chercheurs ont peut-être trouvé le moyen de savoir quels fumeurs ont le plus de risques d'avoir un cancer du poumon, en mesurant une modification génétique dans leur trachée, selon une étude publiée dans la revue Science Translational Medicine.

Les chercheurs travaillent à la mise au point d'un test sur la base de ces travaux, dans l'espoir de dépister ce cancer à un stade plus précoce, où il est davantage traitable. Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer et le tabagisme en est de loin le facteur principal. Entre 10% et 20% des fumeurs développent la maladie, souligne le Dr. Avrum Spira, de l'université de Boston, qui a dirigé l'étude.

Le risque dépend en partie de plusieurs facteurs -la quantité de tabac fumée, la durée de cette consommation et le temps écoulé depuis le moment où l'on a arrêté-, mais il n'y a pas de moyen de prédire qui échappera ou non à la maladie. Il n'existe pas non plus de méthode fiable pour détecter les tumeurs à un stade précoce. Et la plupart des malades sont diagnostiqués trop tard pour que les traitements actuels leur soient d'un grand secours.

«Même pour les personnes qui ont arrêté de fumer, il y a un risque important de cancer, et il serait bien d'identifier les patients qui présentent réellement un risque», souligne le Dr. Neal Ready, spécialiste du cancer du poumon, qui n'a pas participé à l'étude.

«Disposer d'une sorte de test moléculaire qui aiderait à identifier ces patients serait très utile», car ils pourraient faire l'objet d'une surveillance étroite via des scanners dont l'usage n'est pas pratique pour tout le monde, ajoute le scientifique de l'université Duke.

Plutôt que se concentrer sur le poumon, l'équipe du Dr. Spira a choisi une autre approche. Fumer expose l'ensemble des voies respiratoires à des toxines. Les chercheurs ont donc cherché les signes les plus précoces d'un cancer imminent en amont, dans la manière dont différents gènes sont activés et désactivés dans la trachée alors que l'organisme tente de se défendre et que ses défenses s'affaiblissent avec le temps.

Chaque année aux Etats-Unis, au moins 100.000 fumeurs ou anciens fumeurs subissent une bronchoscopie -l'insertion d'un tube (bronchoscope) dans la gorge pour chercher des signes de cancer- après la détection d'un signe suspect lors d'une radiographie ou d'un autre examen, note le Dr. Spira.

Les bronchoscopies peuvent être utilisées pour examiner les poumons, mais le Dr. Spira s'est intéressé aux cellules tapissant la trachée collectées durant la procédure. Il a ainsi découvert une signature génomique -un type d'activité génétique- distinguant certains fumeurs ou ex-fumeurs atteints d'un cancer du poumon de ceux qui n'avaient pas la maladie.

Avec le Dr. Andrea Bild, de l'université de l'Utah, le Dr. Spira a analysé les cellules provenant de 129 sujets et a découvert que les gènes impliqués faisaient partie de «la voie PI3K» qui joue un rôle dans le cancer. Lorsque les gènes liés au PI3K sont trop actifs, une croissance cellulaire excessive peut se produire.

Le Dr. Spira a rapporté avoir découvert l'activation du PI3K chez certains fumeurs ou anciens fumeurs présentant des lésions précancéreuses, mais pas chez ceux souffrant d'autres maladies pulmonaires.

L'étude ne signifie pas que les personnes sans ce marqueur génétique peuvent continuer à fumer sans risque. D'autres mécanismes pourraient permettre au cancer du poumon de se développer, et il convient de rappeler que le tabagisme est aussi à l'origine de crises cardiaques, d'autres maladies pulmonaires et d'autres cancers.

La société Allegro Diagnostics, dont le Dr. Spira a participé à la création, a commencé à étudier 800 fumeurs et anciens fumeurs devant subir une bronchoscopie pour déterminer l'efficacité d'un test expérimental créé d'après la nouvelle étude.

Certains médicaments expérimentaux ont été conçus pour lutter contre l'activation du PI3K. Une molécule a déjà été testée chez neuf fumeurs avec des lésions précancéreuses, dont six ont vu ces lésions s'améliorer. L'équipe du Dr. Spira a examiné les cellules des voies respiratoires qui avaient été prélevées sur ces sujets et a découvert une chute de l'activité du PI3K chez ceux qui avaient réagi à la molécule. C'est là un signe encourageant pour les efforts visant à tenter de mettre au point des médicaments préventifs contre le cancer.

«Il y a assez de preuves dans (la nouvelle) étude pour s'engager sur la voie» de la recherche sur la chimioprévention du PI3K, estime le Dr. Ready, de l'université Duke. AP

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08:10ET 14-04-10