La manipulation des données ou le plagiat sont à l'origine des deux tiers des rétractations d'études biomédicales publiées dans le monde, un phénomène qui a décuplé depuis 1975, selon une recherche publiée lundi aux États-Unis.

«La recherche biomédicale est devenue une sorte de jeu où le gagnant emporte toute la mise avec des incitations perverses qui poussent les scientifiques au laxisme et dans certains cas à falsifier les données ou à commettre d'autres fautes professionnelles», explique le Dr Arturo Casadevall, de la faculté de médecine Einstein à New York, un des principaux auteurs de cette enquête parue dans les Annales de l'Académie américaine des sciences (PNAS).

Ces scientifiques ont analysé 2047 études objet d'une rétractation dans la littérature biomédicale.

Pour déterminer les raisons de la rétractation, ils ont consulté plusieurs autres sources en dehors des publications où sont parues ces études, comme les Instituts nationaux américains de la santé (NIH) et le site Retractionwatch.com qui enquêtent sur ces retraits.

Ces chercheurs ont déterminé qu'environ 21% des rétractations étaient attribuables à une erreur tandis que 67% résultaient de fautes professionnelles dont la fraude prouvée ou soupçonnée (43%), la similarité avec des travaux déjà publiés (14%) et le plagiat (10%). Des causes indéterminées ont compté pour 12% du restant, ont-ils précisé.

«Le plus préoccupant, c'est que plus la fraude est sophistiquée, moins grande sont les chances de la démasquer», a relevé le Dr Casadewall. «Ainsi, il existe probablement davantage d'études frauduleuses non détectées dans la littérature médicale», a-t-il ajouté.

Des recherches faites précédemment sur ce problème avaient sous-estimé l'ampleur des études scientifiques frauduleuses, car elles se basaient seulement sur la lettre de rétractation des revues, rédigées par les auteurs eux-mêmes des recherches incriminées, explique le Dr Casadewall.

«Un grand nombre de ces notices sont erronées», juge-t-il, car «les auteurs de ces études écrivent le plus souvent avoir été contraints à la rétractation parce que les résultats de leurs travaux ne pouvaient pas être reproduits». Façon élégante, aux yeux du médecin, d'éviter de dire que «la raison en est la fraude».

Cette analyse montre également que les revues scientifiques les plus prestigieuses ont un taux particulièrement élevé de rétractation des études qu'elles publient.

Pour le Dr Casadevall, la forte augmentation du nombre de recherches rétractées ces dernières années s'explique par la culture scientifique actuelle qui privilégie de manière excessive les récompenses aux chercheurs qui publient le plus grand nombre de travaux surtout dans des revues de renom.

Ces derniers «ont ainsi plus de chances d'être reconnus, d'obtenir des fonds de recherche, des prix honorifiques et des postes enviables ou des promotions», a-t-il noté.

Mais, tempère le chercheur, «43% de toutes les rétractations ont été le fait de seulement 38 centres de recherche sur les milliers que compte le monde».