Il y a les acheteurs, les vendeurs, les courtiers, tous ces acteurs qui tentent, tant bien que mal, de se frayer un chemin au milieu des actions et des indices boursiers qui fluctuent.

Et puis, il y a les scientifiques, sortis tout droit d'une formation en physique, en mathématique ou en génie. Des scientifiques qui ont abandonné leur domaine pour servir le milieu de la finance. Leur mission? Donner un sens rationnel à la bourse.

On les appelle les quants, en français, des analystes quantitatifs. En d'autres termes, des nerds. Leur objectif : trouver une formule «scientifique» pour justifier et diriger les choix de tous ceux qui gravitent autour des actions et des indices boursiers.

Ces scientifiques empochent une importante somme d'argent (de 75 000 $ à 250 000 $ par année). Mais ils ne sont pas aussi riches que les traders qui les consultent, tout en les considérant comme des «geeks».

Si certains croient en leurs formules, d'autres les blâment pour leur part de responsabilité dans le krach boursier. Warren Buffett, l'homme le plus riche du monde, fait partie du clan des sceptiques. « Méfiez-vous des formules des geeks», avait-t-il lancé à l'émission The Charlie Rose show, l'automne dernier.

Les analystes quantitatifs reconnaissent que leur travail n'est pas vraiment scientifique, mais consiste à mieux comprendre le marché, note le New York Times dans un article consacré aux quants. Car même les scientifiques ne peuvent contrôler l'incertitude en bourse. « C'est comme si on avait affaire à une bête sauvage, ce n'est pas comme construire un pont », confie une analyste quantitative au Times.

Vendre son âme au diable

Il y aurait un millier de scientifiques à Wall Street et beaucoup seraient nostalgiques de la science à son état pur. « Ils ont vendu leur âme au diable. Je n'ai pas rencontré beaucoup d'analystes quantitatifs qui disent être en finance parce qu'ils sont passionnés par la matière», poursuit l'analyste sous le couvert de l'anonymat.

C'est depuis les années 70 que les physiciens et mathématiciens se sont impliqués en bourse. À cette époque, il y avait pénurie d'emplois en sciences alors que le milieu financier était devenu de plus en plus complexe et risqué. Aux yeux de plusieurs, des formules mathématiques semblaient nécessaires pour mieux performer et faire face au risque.

Le modèle Black-Scholes, par exemple, est une formule mathématique qui permet de mieux évaluer une option sur une action. La formule a été élaborée dans les années 70 par Robert C.Merton, de l'Université de Harvard. Robert C.Merton été le premier scientifique à publier un article mathématique pour la finance. Avec Myron Scholes, il a d'ailleurs remporté le prix Nobel pour sa formule, en 1997.

Mais dans un marché boursier aussi volatile, les scientifiques peuvent difficilement arriver avec une formule en béton. Résultat : ils ont de la difficulté à gagner le respect des experts financiers. « Je crois que les physiciens devraient retourner au département de physique et laisser tranquille Wall Street », confie Benoit Mandelbrot de chez IBM au New York Times.

Alors que les financiers blâment les scientifiques, les scientifiques, eux, leur renvoient la balle en affirmant que les erreurs de la crise relèvent de décisions de nature purement financière.

N'empêche que les jeunes sont attirés par la profession. L'automne dernier, la classe «So You Want to Be a Quant», donnée au Massachussetts Institute of Technologie (M.I.T), était pleine à craquer.

Selon Andrew Lo, professeur au M.I.T, le problème, ce n'est pas qu'il y a trop d'analystes analystes quantitatifs à Wall Street, mais c'est plutôt qu'il en manque. « Un investisseur m'a dit que Wall Street ne recherche par des Ph.D's mais des P.S.D's : poor, smart and deep desire to get rich (pauvre, intelligent avec un désir ardent de devenir riche) ».

Au M.I.T, il a lancé cette blague: « Comment appellera-t-on un nerd dans 10 ans ? Réponse : le patron. »