Les mécanismes de l'évolution ne permettent pas de remonter le temps pour retrouver un état ancestral, selon une étude sur des mouches naines ou drosophiles (drosophila melanogaster) placées dans l'environnement de leurs ancêtres après avoir subi des mutations génétiques sur un grand nombre de générations.

Une équipe internationale de chercheurs dirigée par Henrique Teotonio, de l'Institut scientifique Gulbenkian au Portugal, a créé différentes espèces de mouches sur plus de 500 générations en les faisant vivre dans des milieux variables en laboratoire en fonction de l'humidité ou de la quantité de nourriture. «On a utilisé des milieux qui changent l'état démographique de la population, avec des intervalles entre deux générations qui varient de deux semaines à cinq semaines», a expliqué à l'AFP M. Teotonio.

Les scientifiques ont ensuite replacé les différents espèces de drosophiles obtenues dans leur environnement de laboratoire d'origine.

Au bout de 50 nouvelles générations, alors que les insectes s'étaient adaptés au milieu de leurs ancêtres, ils avaient retrouvé certaines caractéristiques génétiques originelles, mais pas toutes, selon les résultats publiés dimanche dans la revue spécialisée Nature Genetics.

Il y a huit ans, le même chercheur avait déjà publié une étude présentant des conclusions allant dans le même sens, après une expérience similaire portant sur le phénotype des drosophiles, c'est à dire leurs caractéristiques observables, à la fois physiques et comportementales.

Aujourd'hui «on observe plus ou moins la même chose», a déclaré M. Teotonio.

L'analyse montre que l'évolution se produit surtout, de génération en génération, par des changements dans la distribution des allèles, qui sont les différentes formes d'un gène au sein d'une population donnée. L'apparition de mutations, donc de formes nouvelles, est plus rare.

De plus «certaines mouches revenues à leur état ancestral peuvent avoir un phénotype identique à leur aïeux, tout en étant génétiquement différentes», soulignent les chercheurs.

Ces résultats montrent que les connaissances sur les liens entre gènes et évolution restent insuffisants pour prédire la capacité d'adaptation d'une espèce sur une base génétique.

«On n'arrive à prévoir les changements au niveau de l'ADN qu'une fois sur deux», précise M. Teotonio. Cela reste insuffisant pour savoir «par exemple, comment les organismes vont pouvoir s'adapter au réchauffement global de la planète».