En prévision du congrès Science Société, qui se tiendra mercredi et jeudi au Jardin botanique, La Presse publie aujourd'hui un sondage CROP-La Presse-Télé-Québec-ACFAS sur la perception de la science par les Québécois.

Les Québécois font confiance aux scientifiques et les estiment sincèrement soucieux de l'avancement de la société. Mais ils se sentent moins à l'aise avec les nouvelles scientifiques qu'avec les derniers potins artistiques et sportifs. Et ils sont méfiants face aux motivations des entreprises qui financent la recherche scientifique dans les universités.Telles sont les grandes lignes d'un sondage mené par CROP pour La Presse, Télé-Québec et l'Association francophone pour le savoir (ACFAS). Les scientifiques jouissent de la confiance de 84% des gens. Ils se retrouvent ainsi derrière les médecins et les professeurs, mais devant les policiers et les juges.

>> Visionnez une entrevue de Pierre Noreau à l'émission Le Code Chastenay.

Le degré de scolarité influe jusqu'à un certain point sur l'intérêt pour la science. Chez les titulaires d'un diplôme universitaire, 93% estiment que la science «apporte à l'être humain plus de bien que de mal», et 62% pensent que les choix de société à teneur scientifique devraient être basés sur des avis d'experts. Chez les répondants qui n'ont fait que l'école primaire, ces proportions sont de 63% et de 26%.

Pierre Noreau, sociologue du droit à l'Université de Montréal et président de l'ACFAS, note que la science est vue de manière plus favorable qu'auparavant. En 2002, une enquête du Conseil de la science et de la technologie du gouvernement du Québec a révélé que 68% des Québécois croyaient que la science était bénéfique pour la société, et que 56% s'estimaient bien informés dans ce domaine. Les chiffres sont maintenant de 84% et de 64%.

«Ce qui est intéressant, c'est que les gens font confiance aux scientifiques et sont en faveur du projet scientifique, dit M. Noreau. Mais en même temps, les citoyens se sentent souvent incompétents en science. Pourquoi? Parce que la science reste construite sur un savoir spécialisé. Il y a deux réponses à cela: il pourrait y avoir plus d'espace pour les sciences dans les médias, et 53% des citoyens considèrent que les scientifiques pourraient travailler davantage à la vulgarisation de leurs travaux.»

 

Méfiance face au privé

 

Sur la question du financement de la recherche, le secteur privé est vu avec méfiance. «On parle ici du financement privé de la recherche dans les institutions publiques comme les universités, dit M. Noreau. C'est considéré de manière plus favorable par les répondants les moins scolarisés, et aussi quand la recherche doit bénéficier à l'ensemble de la société.» En revanche, seulement 59% des titulaires d'un diplôme universitaire appuient la recherche privée qui vise d'abord à améliorer la compétitivité d'une entreprise.

Pourquoi la méfiance envers la recherche privée augmente-t-elle avec le degré de scolarisation? «Je pense que les gens plus scolarisés sont plus conscients de la nécessité de l'indépendance de la recherche par rapport aux grands intérêts économiques, dit M. Noreau. D'ailleurs, un sondage que nous avons fait auprès de nos membres montre que les scientifiques aussi s'opposent au financement privé de la recherche universitaire quand elle vise surtout à aider les entreprises elles-mêmes.»

Pierre Chastenay, astronome au Planétarium et animateur de l'émission Le code Chastenay, estime que le «fossé» entre les chercheurs et le public s'explique par «une raison simple et bête de vocabulaire». «En science, les termes sont très précis, ils ont un sens qui n'est pas le même que pour monsieur ou madame Tout-le-Monde. Il y a beaucoup d'incompréhension. Chez les politiciens, on constate aussi une méfiance ou une incompréhension du rôle que les scientifiques devraient jouer.»

 

SONDAGE CROP - LA PRESSE - TÉLÉ QUEBEC - ACFAS

 

 

Vous sentez-vous bien informés à propos de:

 

Culture 78%

Sport 73%

Politique 72%

Économie et la finance 66%

Science et technologie 64%

 

Faites-vous confiance aux membres des professions suivantes:

 

Professeurs 93%

Médecins 91%

Scientifiques 84%

Policiers 80%

Juges 74%

Journalistes 59%

Politiciens 20%

 

Les scientifiques se préoccupent-ils des attentes de la société?

 

Souvent 38%

Quelquefois 39%

Rarement 15%

Jamais 3%

 

Les scientifiques se soucient-ils des risques liés à leurs découvertes?

 

Toujours 12%

Souvent 52%

Rarement 28%

Jamais 2%

 

Quelle est la principale raison pour laquelle le gouvernement devrait investir en recherche?

 

Pour l'avancement des connaissances de l'humanité: 30%

Pour faciliter la vie quotidienne des citoyens : 28%

Pour régler des problèmes collectifs : 27%

Pour rester concurrentiel au niveau mondial : 10%

 

Proportion des répondants qui font confiance aux scientifiques

 

Moins de 8 ans de scolarité: 63%

Plus de 15 ans de scolarité: 89%

Moins de 20 000$ de revenus annuels : 70%

Plus de 60 000$ de revenus annuels : 88%

 

Lorsque des choix de société impliquent des questions scientifiques, la décision devrait être surtout basée sur les avis des experts (proportion des répondants en accord).

 

Hommes: 57%

Femmes: 49%

Moins de 8 ans de scolarité: 26%

Plus de 15 ans de scolarité: 62%

Moins de 20 000$ de revenus annuels: 38%

Plus de 60 000$ de revenus annuels: 59%

Méthodologie: Ce sondage a été réalisé auprès de 1002 Québécois entre le 18 et le 29 septembre 2008 dans le cadre du sondage omnibus CROP-express. Il est précis à 3 points près, 19 fois sur 20. Les résultats ont été pondérés. Rappelons que la marge d'erreur augmente lorsque les résultats portent sur des sous-groupes de l'échantillon.

INVESTISSEMENTS DE RECHERCHE (en dollars canadiens)

Public Québec 3,1 milliards$

Privé Québec 4,2 milliards$

Public Canada 12,6 milliards$

Privé Canada 15,1 milliards$

Public États-Unis 227 milliards$

Privé États-Unis 98 milliards$

SOURCES : ISQ2005