Contrairement à ce quoi croient de nombreux économistes, les décisions prises par les investisseurs sur les marchés financiers sont loin d'être rationnelles, estiment des psychologues. 

Des émotions primaires, une mentalité moutonnière, des afflux incontrôlés d'hormones font partie des forces invisibles susceptibles de gonfler ou de faire éclater une bulle financière.«Dans la théorie économique classique, les prix sur l'ensemble des marchés sont censés dépendre de décisions rationnelles prises par des gens ayant accès à toutes les informations disponibles», a déclaré à l'AFP David Tuckett, de l'unité de psychanalyse du University College de Londres.

Pourtant, «cette manière de voir les choses est presque complètement fausse», selon lui, «car les marchés sont opérés par des êtres humains».

Lorsqu'une affaire se présente, les investisseurs se montrent de prime abord réticents à se lancer sur un terrain inconnu. Ce n'est que lorsqu'ils ont l'impression que leurs voisins ou pairs s'enrichissent en achetant une action donnée qu'ils suivent le mouvement.

Leurs gains augmentent leur ardeur, alimentant leur conviction d'avoir trouvé un bon filon pour gagner de l'argent facilement.

C'est alors, qu'emportés par leur élan, de nombreux investisseurs ne perçoivent pas les premiers signaux d'alarme d'un retournement de situation.

Aussi, quand le vent tourne, leur première réaction est souvent de croire qu'il ne s'agit que d'un phénomène passager et que le cours de leurs actions va rapidement repartir à la hausse.

Puis, si la dégringolade continue, le déni fait place à la crainte, puis à la panique.

John Coates, chercheur de l'université de Cambridge et ancien trader à la banque d'investissement Goldman Sachs et à la Deutsche Bank à New York, a montré par une expérience que les fluctuations des cours en Bourse sont amplifiées par des hormones du corps.

Durant la bulle internet, il avait été étonné de voir des traders «manifester des symptômes de démence» se traduisant par un sentiment d'omnipotence, un état d'extrême agitation mentale et un besoin réduit de sommeil.

Avec Joe Herbert, du Centre de réhabilitation du cerveau de Cambridge, Coates a prélevé deux fois par jour des échantillons de salive de 17 traders d'une société de courtage de la city londonienne, afin de mesurer leur concentration en deux hormones.

Ils ont constaté que les niveaux de testostérone, une hormone associée à l'agressivité chez les hommes, augmentaient quand les cours étaient à la hausse.

Quand ils étaient orientés à la baisse, c'était au contraire le taux de cortisol, une hormone qui permet de gérer le stress, qui augmentait.

Si la testostérone augmente la confiance en soi et donc la propension à prendre des risques, la recherche sur des animaux suggère qu'elle peut à doses élevées et sur une longue période altérer la capacité de jugement.

De son côté, le cortisol peut avoir dans un premier temps un effet bénéfique euphorisant, mais après deux semaines d'exposition à des niveaux élevés, cette hormone peut au contraire éroder la confiance en soi et amplifier la crainte devant un risque, affirme M. Coates.

Face à ce constat, le chercheur affirme que si plus de femmes ou d'hommes plus âgés se trouvaient dans les salles de marchés, les décisions y seraient vraisemblablement prises plus calmement et avec une perspective à plus long terme.