Il a sa propre chaîne YouTube. Il gagne les concours de science les uns après les autres. Et surtout, il a inventé une machine pour freiner les émissions de gaz à effet de serre. Thomas Ribeiro, 15 ans, n'est pas du genre à s'excuser d'être ambitieux. Et il vient de tester certaines de ses idées dans un vrai laboratoire scientifique.

L'élève de quatrième secondaire fréquentant l'école Laval Senior Academy a remporté la présentation 2016 du concours Sanofi Biogenius Canada, qui permet à des élèves de mener de vrais travaux scientifiques dans de vrais labos.

« Ça a été une expérience formidable, a dit M. Ribeiro à La Presse. J'ai côtoyé des chercheurs, reçu des commentaires, j'ai eu accès à des équipements de laboratoire qu'on ne retrouve évidemment pas dans les écoles secondaires. Ça m'a vraiment donné l'occasion de pousser mes idées. » 

Et des idées, Thomas Ribeiro n'en manque pas. Depuis deux ans, le jeune homme planche sur une invention de son cru : une « super-usine » capable de produire de l'énergie en brûlant du CO2 et du méthane, deux gaz à effet de serre. Oubliez les idées griffonnées sur un coin de table. Le jeune homme a produit une maquette et des diagrammes des installations extrêmement précis.

Il a profité du concours Sanofi Biogenius pour confronter à la réalité une partie de son mégaprojet : l'« usine biologique » qui s'occupera de dégrader les gaz résiduels du procédé.

« L'usine biologique, c'est les poumons de tout le système », explique-t-il avec aplomb, avant d'enchaîner avec des explications techniques truffées d'expressions comme « bactéries méthanotrophes » et « organismes photosynthétiques ».

Un plan simple

En gros, le plan de Thomas Ribeiro est simple : il existe dans la nature des bactéries qui mangent le méthane et des végétaux qui dégradent le CO2. Il suffit de leur donner un petit coup de pouce pour qu'ils éliminent les gaz à effet de serre.

En écumant le web, l'élève est tombé sur la page de Philippe Constant. Ce microbiologiste de l'Institut national de la recherche scientifique, à Laval, mène des travaux sur la dégradation des gaz par les microorganismes. Thomas Ribeiro l'a contacté.

« Quand j'ai lu sa demande, j'ai dit : wow ! raconte ce dernier. J'ai vraiment été impressionné par la qualité de ses travaux. On voyait tout de suite son sérieux, sa maturité et son originalité. »

Le chercheur a invité l'élève dans son laboratoire. Les deux comparses, qui s'entendent visiblement comme larrons en foire, ont prélevé des échantillons de sol sur les berges de la rivière des Mille-Îles. Puis ils leur ont fourni toutes les conditions pour que les bonnes bactéries s'y multiplient.

« Les bactéries sont là, il suffit de les encourager. On les domestique, littéralement », explique Philippe Constant.

Ils ont ensuite placé leur soupe de bactéries dans une machine appelée chromatographe en phase gazeuse. Y ont injecté un gaz chargé de méthane. Et constaté, au bout de quelques jours, que la concentration de méthane avait chuté de manière marquée, preuve que les bactéries l'avaient bel et bien consommé.

La suite ? Thomas Ribeiro est un homme occupé. Cette semaine, il participe à la finale québécoise du concours Expo-sciences. Puis il défendra le Québec à Ottawa lors de la ronde nationale du concours Sanofi Biogenius. Tout de suite après, il s'envolera vers Phoenix, en Arizona, pour représenter le Canada à un concours de science et de génie organisé par l'entreprise Intel. Il a aussi déroché le premier prix de la finale québécoise Expo-Sciences Hydro-Québec le 24 avril dernier.

Son rêve ? « J'aimerais poursuivre mes recherches en ingénierie appliquée à l'environnement », répond-il. Et d'ici là, il a bien l'intention de continuer à voir grand.

« J'ai pensé contacter Justin Trudeau, confie-t-il. Récemment, il a parlé de nos émissions de méthane, du fait qu'il faut diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Peut-être qu'on pourrait avoir une discussion intéressante. On verra. »

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Une publication scientifique à 19 ans

En avril 2014, Catherine Aaron et Gabrielle Beaudry ont gagné le prix du public du concours Sanofi Biogenius Canada. Deux ans plus tard, les deux filles viennent de recevoir une surprise de taille : leurs travaux ont été publiés la semaine dernière dans Journal of Agricultural and Food Chemistry, une véritable revue scientifique dont les articles sont révisés par des pairs.

« On ne s'attendait vraiment pas à ça. Honnêtement, c'est un peu fou », a dit à La Presse Gabrielle Beaudry, aujourd'hui âgée de 19 ans.

Les deux anciennes élèves du collège Jean-de-Brébeuf ont travaillé dans le laboratoire d'Alex Parker, chercheur en neurosciences au Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal. Elles ont eu l'idée de gaver de petits vers, appelés nématodes, de sirop d'érable. Objectif : voir si ce régime typiquement québécois pouvait empêcher l'apparition de la sclérose latérale amyotrophique, une maladie neurologique très grave. Leur hypothèse n'était pas aussi farfelue qu'on peut le penser : on sait que le sucre peut empêcher l'apparition de la maladie chez les vers.

Or, leurs travaux ont permis de montrer qu'en plus du sucre, le sirop d'érable contient des polyphénols qui protègent aussi les neurones contre la maladie.

Le professeur Parker tient à souligner que ces résultats ne sont pas applicables aux humains.

« Scientifiquement, c'est intéressant, dit-il. Mais n'allez pas vous gaver de sirop d'érable et de sucre ! À long terme, le sucre est toxique pour les humains et peut causer des maladies comme le diabète de type 2 ou l'obésité. »