À l'origine de ce qui pourrait constituer une petite «révolution» dans le ciel de la paléoanthropologie? Quarante-sept dents qui ont permis à des chercheurs d'établir que l'Homme moderne (Homo Sapiens) était déjà présent dans le sud de la Chine il y a au moins 80 000 ans et peut-être même il y a 120 000 ans.

L'Homme moderne est arrivé en Chine il y a plus de 80 000 ans, bien avant qu'il ne s'installe en Europe, selon une étude qui conduit à avancer la date de sa sortie d'Afrique et à repenser ses chemins migratoires.

À l'origine de ce qui pourrait constituer une petite «révolution» dans le ciel de la paléoanthropologie? Quarante-sept dents qui ont permis à des chercheurs d'établir que l'Homme moderne (Homo Sapiens) était déjà présent dans le sud de la Chine il y a au moins 80.000 ans et peut-être même il y a 120 000 ans.

«Soit bien plus précocement qu'on ne le pensait jusqu'alors», déclare à l'AFP Wu Liu, de l'Académie des sciences de Pékin, principal auteur de l'étude publiée mercredi dans la revue britannique Nature. «Et il est arrivé en Chine deux fois plus tôt qu'en Europe», ajoute-t-il.

Homo Sapiens aurait vécu en Chine du sud 30 000 à 70 000 ans avant qu'il ne colonise l'Europe, selon cette étude.

Les premiers fossiles d'Homo Sapiens trouvés en Europe datent d'environ 45 000 ans. Le continent était alors peuplé d'Hommes de Néandertal.

Cette découverte démontre aussi qu'Homo Sapiens, apparu en Afrique de l'Est il y a environ 190 000 à 160 000 ans, est sorti de ce continent «beaucoup plus tôt qu'on ne le pensait», considère Maria Martinon-Torres, d'UCL (University College of London), coauteur de l'étude.

«Le scénario généralement accepté» fait remonter le départ de l'Homme moderne d'Afrique «à seulement 50 000 ans», déclare-t-elle à Nature. Avec cette découverte, on peut déduire qu'Homo Sapiens est vraisemblablement sorti d'Afrique jusqu'à 70 000 ans plus tôt.

Les dents, en bon état, ont été trouvées dans la grotte de Fuyan, près de Daoxian dans la province chinoise du Hunan.

Une fouille, menée entre 2011 et 2013 par l'équipe de Wu Liu a permis de trouver dans une couche d'argile sablonneuse 47 dents qui ont ensuite été étudiées par un groupe de chercheurs internationaux.

«Néandertal, une barrière» en Europe?

«Quand j'ai vu ces dents au laboratoire, il m'est apparu clairement qu'elles appartenaient à Homo Sapiens et qu'elles ressemblaient beaucoup à celles des populations humaines actuelles», déclare Maria Martinon-Torres.

Il est certain qu'elles ne proviennent pas d'autres hominidés comme Homo Erectus dont des fossiles ont été retrouvés au nord de la Chine.

«Dans la mesure où la faune qui a été trouvée avec ces 47 dents est typique du Pléistocène supérieur, nous pouvons avancer (...) que la présence d'humains peut être datée dans une fourchette de 80 000 ans à 120 000 ans», souligne l'étude.

La grotte de Fuyan est riche en fossiles de mammifères. Trente-huit espèces ont été identifiées dont cinq éteintes. Parmi ces dernières, «Ailuropoda baconi», un ancêtre du panda géant, «Crocuta ultima», une grande hyène, ou encore «Stegodon orientalis, un impressionnant éléphant géant.

L'étude pourrait bien redessiner la carte des diverses migrations d'Homo Sapiens. Après son départ d'Afrique, il serait peut-être passé par l'Arabie avant de réussir à gagner la Chine méridionale.

Jusqu'à présent, la preuve la plus ancienne de la présence d'Homo Sapiens à l'est de la péninsule arabique provenait d'un fossile datant de 40 000 ans trouvé en 2003 dans la caverne de Tianyuan près de Pékin.

Les chercheurs s'interrogent sur les raisons qui ont empêché l'Homme moderne de s'installer en Europe pendant des dizaines de milliers d'années. «On ne peut pas exclure que la présence de l'Homme de Néandertal ait pu constituer une barrière supplémentaire à l'expansion de l'Homme moderne, qui n'aurait pu s'installer en Europe que lorsque les populations néandertaliennes ont commencé à disparaître», écrivent-ils.

«Mais le froid qui régnait à l'époque sur l'Europe et le nord de la Chine pourrait davantage expliquer la colonisation précoce des régions méridionales par l'Homme moderne», estime Robin Dennell, du département d'Archéologie de l'Université d'Exeter, dans un commentaire publié dans Nature.

«Homo Sapiens est apparu dans des régions tropicales. Il est logique qu'il soit allé plutôt vers l'est que vers le nord où les températures hivernales tombaient facilement au-dessous de zéro», relève-t-il.