L'ancêtre commun des mammifères placentaires est apparu après la fin des dinosaures il y a 65 millions d'années, montre une étude jeudi qui apporte l'éclairage le plus complet à ce jour sur l'évolution de cette grande famille qui compte l'homme, le singe ou la baleine.

De précédents travaux situaient l'émergence de ces mammifères avant l'extinction des dinosaures et de 70% des espèces de la planète due, selon la théorie la plus communément admise, à l'impact d'un astéroïde qui a bouleversé le climat.

Ces chercheurs se sont appuyés sur la plus grande banque de données au monde combinant les traits génétiques et morphologiques des différentes espèces pour reconstruire l'arbre généalogique des mammifères placentaires, la plus importante branche de cette famille avec plus de 5100 espèces vivantes.

Des analyses génétiques avaient laissé penser que les mammifères étaient déjà un groupe diversifié à la fin du Crétacé. Désormais leur essor serait survenu entre 200 000 et 400 000 ans après la fin des dinosaures.

«L'analyse de cette énorme quantité de données montre bien que (...) des espèces comme des rongeurs et des primates n'étaient pas contemporains des dinosaures, mais descendent d'un ancêtre commun, un petit animal mangeur d'insectes, qui est apparu peu après la fin des dinosaures», relève un des auteurs, Maureen O'Leary, professeur adjoint d'anatomie à l'université Stony Brook (New York, nord-est) et chercheuse à l'American Museum of Natural History.

«C'est environ 36 millions d'années plus tard que les estimations basées seulement sur des données génétiques», relève Marcelo Weksler, un paléontologue du Museu Nacional-UFRJ au Brésil, un des 23 co-auteurs de l'étude parue dans la revue américaine Science datée du 8 février.

Changement climatique

Pour remonter jusqu'à l'ancêtre commun des mammifères --un animal qui devait être de la taille d'un petit rat, avoir un utérus bicorne comme nombre de mammifères, un cortex cérébral avec des circonvolutions et un placenta ressemblant à celui des humains--, ces scientifiques ont collecté et analysé les caractéristiques physiques et génétiques de 86 espèces, dont 40 sont éteintes, mais connues grâce aux fossiles.

Ils ont rassemblé 4500 traits comme la présence ou l'absence d'ailes, de dents et certains types de squelette ainsi que d'autres caractéristiques morphologiques qu'ils ont combinées avec les traits génétiques.

Cette banque de données contient dix fois plus d'informations que celles utilisées jusqu'alors pour étudier l'histoire des mammifères, soulignent ces chercheurs, précisant qu'elle est accessible au public en ligne et compte plus de 12 000 illustrations (www.morphobank.org).

Ces travaux devraient permettre aussi de répondre à nombre de questions importantes comme celles de savoir comment les mammifères ont survécu au changement climatique dans le passé et ce que cela pourrait signifier dans le futur avec le réchauffement actuel de la planète.

Cette étude a également révélé qu'une des branches de ces mammifères appelée Afrotheria, qui englobe les éléphants jusqu'aux oryctéropes, et vivant aujourd'hui en Afrique, est en fait originaire du continent américain.

«Déterminer comment ces animaux sont venus en Afrique est une question scientifique importante comme d'autres auxquelles on pourra répondre avec cette banque de données et l'arbre phylogénomique (phylogénie et génomique) des mammifères produit par cette étude», commente Fernando Perini, professeur à l'université fédérale Minas Gerais au Brésil, autre co-auteur.

L'étude a été conduite dans le cadre du projet dit de l'Arbre de la vie (Atol) financé notamment par l'Académie américaine des sciences.