On savait depuis un certain temps que les chiens et les souris pouvaient détecter par leur odorat les personnes atteintes de certaines maladies, comme le cancer. Mais le mécanisme responsable de cette capacité demeurait inconnu. Des biologistes suisses viennent d'élucider le mystère.

«Nous avons identifié les récepteurs qui permettent aux souris, et probablement aux chiens aussi, de détecter des molécules émises par l'inflammation liée aux maladies, notamment dans l'urine», explique Ivan Rodriguez, de l'Université de Genève, qui est l'auteur principal de l'étude publiée dans la revue Nature. «Nous pouvons envisager la possibilité d'appareils qui détecteraient le même type de composés et qui pourraient être utilisés pour les diagnostics ou pour la détection de nourriture avariée. Des nez artificiels, en quelque sorte.»

 

L'équipe de zoologistes et de biologistes genevois s'intéresse aux moyens de communications utilisés par les mammifères pour comprendre le monde extérieur. Ils passent en revue des centaines de récepteurs du cerveau pour voir s'ils jouent un rôle dans ce processus. C'est ainsi qu'ils ont décelé les récepteurs qui permettent de détecter les personnes malades.

Pourquoi les souris et les chiens ont-ils cette capacité, mais pas les humains? «Quand les grands singes ont acquis la capacité de voir la couleur rouge, ils ont eu accès à une foule d'informations qui étaient auparavant inaccessibles aux mammifères, qui voient le monde en vert et bleu, dit M. Rodriguez. Ça a demandé au cerveau de rediriger certaines capacités de l'olfaction à la vision. L'homme a 300 récepteurs olfactifs, alors que chiens et souris en ont 1500. Nous travaillons beaucoup plus avec les yeux qu'avec le nez.»

Ces récepteurs permettent aux animaux d'éviter la nourriture impropre et les êtres malades afin de ne pas se contaminer. «Les hommes reconnaissent ces dangers par leur apparence, dit M. Rodriguez. Mais évidemment, dans certains cas, seule l'odeur peut trahir un aliment impropre à la consommation ou un congénère malade.»

Certains milieux hospitaliers utilisent déjà des chiens dans des essais portant sur le diagnostic du cancer, selon M. Rodriguez. Ces essais pourraient intégrer l'imagerie médicale ou des mesures biochimiques pour confirmer les découvertes de l'équipe genevoise, qui a travaillé avec des souris. Les nez artificiels sont aussi au programme de M. Rodriguez. «C'est assez incroyable, mais l'inflammation mène à l'émission d'une dizaine de molécules, toutes les mêmes. Alors on peut vraiment envisager des instruments pour les détecter.»