Polo gris à l'effigie de l'Agence spatiale canadienne, pantalons noirs, David Saint-Jacques s'avance pour saluer chacun des journalistes venus cette semaine à Houston pour suivre son entraînement. « Comment ça va ? », lance-t-il en plantant ses yeux bleus dans les vôtres et en vous écrasant la main d'une poigne particulièrement vigoureuse.

Après avoir distribué les sourires, l'astronaute québécois plonge toutefois dans ses cours et ses exercices avec sérieux. Il écoute les nombreux instructeurs qui défilent devant lui avec l'attention d'un écolier.

«  David est connu ici pour poser beaucoup de questions, dit Rebecca Wingfield, chef de l'entraînement au Centre spatial Lyndon B. Johnson de la NASA. Il veut s'assurer de comprendre tout ce qu'on lui dit. »

Elle décrit l'astronaute québécois comme un « chic type ». « Il est toujours de bonne humeur, il carbure aux blagues et aux accolades », dit-elle à La Presse

« Il amène un bon esprit de camaraderie ici. Évidemment, quand c'est le temps d'être sérieux, il est sérieux », dit Rebecca Wingfield.

Bardé de diplômes, polyglotte, sportif, surdoué : comme tous les astronautes, David Saint-Jacques a un parcours digne d'éblouir les plus difficiles. Mais n'allez surtout pas lui dire qu'il est un héros.

« Je veux que les jeunes sachent que je ne suis pas un héros. Je suis un gars ben ordinaire qui a travaillé fort. Tout le monde peut faire ce que je fais », avait-il dit à La Presse au moment de l'annonce de sa mission vers la Station spatiale internationale, en mai 2016.

L'AMBITION DE COMPRENDRE

David Saint-Jacques naît à Québec en 1970 et grandit à Saint-Lambert, à une époque où le Canada n'a même pas de programme spatial. Le jeune garçon, pourtant, prend tout de suite les astronautes comme modèles.

« Quand j'avais des choix à faire, je me disais toujours : qu'est-ce qu'un astronaute ferait ? L'astronaute ferait du sport, il mangerait bien, il étudierait les sciences, il voyagerait, il apprendrait des langues étrangères, il serait brave et digne de confiance », a déjà raconté M. Saint-Jacques.

Dès son jeune âge, David Saint-Jacques est consumé par une « ambition folle, démesurée » de tout comprendre. En grandissant, le besoin se fait moins intellectuel et plus « physique ». L'obsession de comprendre se transforme en besoin d'explorer.

Planche à voile, ski, plongée sous-marine, pilotage d'avions, voyages : David Saint-Jacques, selon ses proches, fait tout avec intensité. Après un baccalauréat en génie physique à l'École polytechnique de Montréal, il s'inscrit au doctorat en astrophysique à la prestigieuse Université Cambridge, en Angleterre. Puis il fait sa médecine à l'Université Laval, où il se spécialise dans la médecine de première ligne en régions éloignées.

En 2001, quand les tours du World Trade Center s'effondrent, David Saint-Jacques part pratiquer la médecine au Liban dans les camps palestiniens.

« Je voulais comprendre ce qui est derrière ça. Cette grogne dans le monde arabe, ce choc des civilisations, je voulais les voir et en faire moi-même l'expérience », avait dit M. Saint-Jacques à La Presse en novembre 2016.

Après avoir pratiqué la médecine dans le Grand Nord canadien, il est recruté par l'Agence spatiale canadienne en 2009, au terme d'un processus incroyablement compétitif auquel avaient répondu plus de 5300 candidats. En mai 2016, après des années d'entraînement, il apprend qu'il partira pour la Station spatiale internationale.

Depuis, il partage son temps entre Houston, aux États-Unis, où vit aussi sa famille, et Moscou, en Russie. L'entraînement est intense. Et malgré la confiance qu'il dégage, David Saint-Jacques n'a jamais caché son stress.

« On ne peut pas nier le danger des missions spatiales, a-t-il confié à La Presse. Je serais naïf si je disais que je n'ai pas peur. »

DURE CONCILIATION

Le plus difficile, pour le père de trois enfants, est toutefois une réalité beaucoup plus terre à terre dans laquelle se reconnaîtront bien des gens.

« C'est la conciliation travail-famille, dit-il. Être un bon astronaute, je suis capable. Mais il faut aussi rester un bon père et un bon mari. »

À moins d'un an du départ, il sait que tous les yeux sont braqués vers lui. Et s'il refuse le titre de héros, son message a toujours été le même : oser voir grand.

« J'encourage les jeunes à avoir un rêve, si possible fou, grand et impossible, dit-il. Et à garder en tête que ce n'est pas grave s'ils ne l'atteignent pas. Beaucoup de gens font l'erreur de dire qu'ils seront malheureux s'ils ne réalisent pas leur rêve. Ils ne s'en fixent pas par peur de l'échec. C'est, à mon avis, une terrible raison de ne pas poursuivre un rêve. »

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Rebecca Wingfield, chef de l'entraînement au Centre spatial Lyndon B. Johnson de la NASA