L'homme doit-il aller sur Mars? «Absolument», s'enthousiasment plusieurs astronautes réunis pour leur 30e Congrès à Toulouse. Et certains affirment même être «prêts» à faire ce long voyage lorsque les conditions technologiques le permettront.

«Je suis prêt à partir demain vers Mars si on me le propose», déclare en souriant à l'AFP l'astronaute américain Scott Altman, 58 ans. «Lorsque j'ai rejoint la NASA en 1994, c'était mon rêve», indique cet ingénieur qui a volé quatre fois sur la navette spatiale américaine.

Mais ce sera sans doute pour «la prochaine génération», concède l'astronaute, doublure de Tom Cruise pour réaliser les cascades du film Top Gun.

Pour sa part, il n'est pas favorable à un «aller simple» vers Mars comme le propose l'homme d'affaires Elon Musk, qui prévoit l'installation d'une colonie sur la planète rouge. «J'aime l'idée de rentrer à la maison après une mission».

L'Américain Owen Garriott, 86 ans, qui a volé sur Skylab, la première station spatiale américaine en 1973, pense lui aussi que l'Homme doit aller sur Mars. Est-il volontaire? «Oui», répond-il sans hésiter.

«Nous aimerions y aller dès à présent si c'était possible», opine son fils Richard Garriott. Ce riche entrepreneur en jeux vidéo s'est offert un séjour dans la Station spatiale internationale (ISS) en 2008, devenant le sixième touriste spatial.

Voudraient-ils dans ce cas pouvoir rentrer sur Terre? «Bien sûr», répond l»octogénaire.

«Ce ne serait pas forcément nécessaire», considère son fils de 56 ans. «Je serais content de m'installer sur Mars - mais pas ma femme...-. Mes enfants sont encore jeunes, mais je pense qu'ils me rejoindraient».

Pour l'astronaute français Jean-Pierre Haigneré, le voyage sur Mars est «le prolongement naturel» du comportement de l'Homme qui repousse sans cesse les «frontières».

«Je suis un explorateur. Je ressens ce besoin absolu» d'aller plus loin, déclare ce pilote de chasse de 69 ans, qui a volé deux fois sur la station soviétique Mir et aurait aimé aller sur la Lune. Mais à son âge, personnellement, il n'est pas volontaire pour Mars.

«Aversion au risque»

La communauté des astronautes «est prête psychologiquement à aller sur Mars si on a une technologie qui nous donne des chances décentes de réussir. Nous ne sommes pas des kamikazes», relève le Français.

Or pour le moment, «on n'est pas du tout prêt» sur le plan technologique. «Il faudra d'abord tester ces technologies sur la Lune», souligne-t-il.

Le vice-président américain Mike Pence a déclaré récemment que les États-Unis allaient envoyer à nouveau des hommes sur la Lune, notamment pour préparer de futurs vols habités vers Mars.

Pour Jean-Pierre Haigneré, l'exploration martienne devra «se faire dans un cadre éthique». Il se dit «scandalisé» par les «propositions commerciales» comme celle de Mars One «qui demandent à des volontaires de payer pour aller sur la planète rouge sans leur donner l'assurance de survivre».

L'aéronaute suisse, Bertrand Piccard, invité du Congrès, a pointé un autre frein à l'envoi d'hommes sur Mars : «l'aversion au risque de notre société».

La conquête spatiale des années 1960 s'est faite en prenant des risques. Pour la mission Apollo 11 qui a permis à l'Homme de marcher pour la première fois sur la Lune en juillet 1969, le président Richard Nixon avait préparé deux discours, l'un en cas de succès, l'autre, «très beau», en cas d'échec, a-t-il rappelé.

«Pour Mars, je pense que les scientifiques vont devoir prendre énormément de mesures de sécurité pour arriver à convaincre les bureaucrates, les administrateurs, les assureurs, les juristes», a-t-il précisé à l'AFP.

L'astronaute français Thomas Pesquet, rentré en juin d'un séjour dans l'ISS, considère que «le corps des astronautes est prêt à accepter les risques». «Mais c'est devenu difficile aujourd'hui de se permettre de perdre une mission».

«Si on met un prix trop important sur la vie humaine, on s'empêche de faire beaucoup de choses dans l'espace», a déclaré l'astronaute de 39 ans qui aimerait aller sur Mars.