Des astronomes ont observé pour la première fois une pluie de gaz froids intergalactiques venant alimenter un trou noir supermassif, situé au centre d'une galaxie à un milliard d'années-lumière de la Terre.

Grâce au puissant radiotélescope ALMA situé sur le très haut plateau aride de l'Atacama au Chili, une équipe internationale est parvenue à mettre en évidence les prémices du festin de ce trou noir dont la masse est d'environ 300 millions de fois celle du Soleil.

Les résultats de leurs travaux sont publiés dans la revue britannique Nature.

« Ce n'est pas une surprise totale, mais nous avons désormais la preuve » que les trous noirs sont aussi alimentés par des pluies de nuages de gaz moléculaires froids, explique à l'AFP l'astronome Françoise Combes, de l'Observatoire de Paris, qui a participé à l'étude.

Au centre des amas de galaxies, « il existe souvent une galaxie monstrueuse, qui avale tout ce qui l'entoure », souligne Mme Combes. « Elle abrite un trou noir supermassif, la plupart du temps très actif, rejetant de la masse dans des jets de matière ionisée, puissants émetteurs d'ondes radio », notamment millimétriques. L'origine de cette forte activité restait jusqu'à présent mystérieuse.

L'idée qui prévalait jusqu'à présent était celle de trous noirs se nourrissant lentement de gaz chauds et ionisés s'échappant en spirale du disque de matériaux cosmiques en rotation des galaxies.

« Là, nous avons détecté une pluie de gaz froids, venant de partout, de façon sphérique », explique l'astrophysicienne. « Cela pourrait expliquer pourquoi le noyau du trou noir est vraiment actif ».

« Deux façons de dîner »

En somme, les trous noirs auraient « deux façons de dîner », résume Michael MacDonald, de l'Institut Kavli d'astrophysique et de cosmologie (États-Unis). L'une lente et régulière, l'autre rapide et de courte durée.

Le grand réseau d'antennes ALMA de l'Observatoire austral européen (ESO), qui observe les ondes millimétriques, a détecté cette pluie de gaz froids dans la galaxie elliptique géante située au centre de l'amas de galaxies Abell 2597.

Les trous noirs présentent la caractéristique d'être dotés d'un champ gravitationnel si intense qu'aucun rayonnement ne peut s'en échapper, ce qui empêche de les voir de façon directe.

« Nous avons décelé l'ombre des nuages en train de tomber dans le trou noir », explique à l'AFP Timothy Davis de l'Université de Cardiff (Royaume-Uni), coauteur de l'étude. Ils se déplaçaient à une vitesse de 1,3 million de kilomètres par heure.

« Nous ne savons pas s'il n'y a qu'une partie de ce repas de gaz froid qui va finalement tomber dans le trou noir », relève Megan Urry, de l'Université de Yale (États-Unis).

« Il est vraisemblable que ces gaz moléculaires vont aussi alimenter la formation d'étoiles », souligne Mme Combes. « Ces gaz froids bâtiraient la galaxie en même temps que le trou noir ».