Le 1er avril, une capsule Dragon de SpaceX devrait s'envoler vers la Station spatiale internationale avec à son bord le premier module gonflable habitable de l'histoire spatiale. Fabriqué par la société Bigelow Aerospace, le module BEAM sera testé pendant deux ans pour vérifier qu'il résiste bel et bien aux météorites et qu'il conserve sa pression.

« Quand seront mises en service les premières capsules habitables privées, d'ici quelques années, la capacité de la Station spatiale internationale ne suffira plus à la tâche pour les passagers privés qui veulent jouer aux astronautes », explique Mike Gold, directeur du développement des affaires chez Bigelow, en entrevue depuis Washington. « Et il y a déjà un manque d'espace pour les expériences privées. Quand la NASA sera satisfaite du module BEAM, nos modules gonflables seront nombreux en orbite. »

BEAM (Bigelow Expandable Activity Module, ou module gonflable d'activités Bigelow) fait 4 m de long et 3,2 m de diamètre, et est une version réduite du module BA-330, qui formera la base de la station spatiale privée prévue par Bigelow. La NASA a accordé 18 millions US à Bigelow en 2013 pour l'expérience et, en janvier dernier, le Congrès américain a autorisé la NASA à financer un programme de développement d'habitats pour les voyages vers la Lune et Mars, auquel Bigelow collabore.

« La technologie est à maturité », estime Erik Seedhouse, professeur à l'Université aéronautique Embry-Riddle, en Floride, qui a publié en 2014 le livre Bigelow Aerospace : Colonizing One Module at a Time. « J'ai travaillé pour Bigelow en 2005 et, pour moi, il ne fait aucun doute que d'ici trois à quatre ans, on aura les premières stations gonflables en orbite. »

Deux stations gonflables, Genesis I et II, ont été testées par Bigelow en orbite il y a une dizaine d'années. « Aucune météorite n'a traversé ne serait-ce qu'une portion de l'enveloppe, dit M. Seedhouse. Il y a 12 couches de matériaux très avancés. »

« Les modules de Bigelow sont même plus sécuritaires que la Station spatiale : ils ont été testés à quatre fois la pression normale, alors que la tation a été testée à deux fois la pression normale », explique Erik Seedhouse.

Bigelow affirme avoir déjà des contrats, notamment avec l'Agence spatiale japonaise, pour faire des expériences dans ses modules gonflables privés, ainsi que des dépôts par une demi-douzaine de riches des quatre coins du monde qui veulent y séjourner. Bigelow a aussi l'ambition d'ériger - d'ici 10 à 20 ans, selon M. Seedhouse - une base lunaire pour y extraire de l'eau et de l'hélium, y fabriquer du carburant et le vendre en orbite terrestre.

« C'est moins cher que d'envoyer le carburant en orbite depuis la Terre, affirme M. Gold. Pour nous, la récente législation du Congrès [américain] clarifiant les droits miniers dans l'espace a été un jalon important. »

Participation canadienne

Le Canada participera à la mission BEAM par l'entremise du bras robotique de la Station spatiale internationale. « Nous allons retirer avec le Canadarm 2 le module gonflable de la soute extérieure de la capsule Dragon, le fixer à la Station spatiale et observer le bon déroulement du gonflement du module », explique Mathieu Caron, contrôleur de mission à l'Agence spatiale canadienne. L'opération, qui durera quelques heures, sera dirigée depuis Saint-Hubert et Houston. C'est la première fois que le bras canadien retire directement des objets de la capsule Dragon. Habituellement, le cargo dans la soute extérieure est composé de pièces de rechange ou d'expériences plus petites, qui doivent être manipulées par Dextre, le bras robotique de manipulation fine de l'Agence spatiale canadienne. Dextre est lui-même fixé au Canadarm 2.

PHOTO BILL INGALLS, ARCHIVES NASA

Robert Bigelow a fondé Bigelow Aerospace en 1999.