C'est une première scientifique: de mystérieuses impulsions radio semblant provenir d'une lointaine galaxie et qui se répètent plusieurs fois par minute ont été détectées par un étudiant de l'Université McGill. Mais oubliez les messages envoyés par des extraterrestres : la découverte, publiée dans la prestigieuse revue Nature, semble impliquer un phénomène cosmique d'une ampleur gigantesque. Explications.

L'ÉNIGME DES « SURSAUTS RADIO »

On connaissait déjà les « sursauts radio rapides ». Ils ont été découverts il y a une dizaine d'années et intriguent les scientifiques depuis. Il s'agit de brefs signaux de quelques millièmes de seconde venus du cosmos et se produisant dans les radiofréquences. Les télescopes terrestres en ont capté seulement une dizaine depuis leur découverte, et leur origine demeure une énigme. Puisque tous les signaux captés jusqu'à maintenant étaient formés d'une seule impulsion, on supposait qu'ils étaient une forme de dernier soupir : un signal émis alors que la source se détruisait. Au nombre des suspects, les étoiles qui explosent pour devenir des supernovae et les étoiles à neutrons qui s'effondrent pour se transformer en trous noirs figuraient en tête de liste.

UNE PREMIÈRE RÉPÉTITION

Les sursauts radio rapides sont-ils toujours formés d'une seule et unique impulsion ? Pour le savoir, Paul Scholz, doctorant à l'Université McGill, a fouillé des données recueillies par le radiotélescope Arecibo, de Porto Rico, le plus grand du genre au monde. En mai et juin 2015, le radiotélescope a scruté une région du ciel d'où avait déjà émané un sursaut radio, en 2012.

« J'étais devant mon ordinateur lorsque j'ai vu quelque chose qui ressemblait au sursaut original de 2012. J'ai tout de suite su que c'était une répétition du premier signal. Tous mes collègues se sont rassemblés devant mon ordinateur, c'était vraiment excitant. Je savais qu'il s'agissait d'une découverte importante », raconte M. Scholz.

Grâce au superordinateur du Centre informatique de haute performance de McGill, l'étudiant a fini par découvrir 10 répétitions du signal original. C'est la toute première fois que des répétitions sont détectées dans les sursauts radio. En plus de M. Scholz, l'article qui relate la découverte a été signé par de multiples scientifiques. L'auteure principale est Laura Spitler, de l'Institut de radioastronomie Max-Planck, en Allemagne.

UNE THÉORIE À REVOIR

Le fait que les sursauts radio puissent se répéter vient changer la théorie selon laquelle ils représentent toujours l'ultime message de mort de la source qui les produit. Il reste à savoir ce qui a bien pu émettre ainsi de tels signaux à répétition. Actuellement, l'hypothèse la plus probable est une étoile à neutrons en rotation, qui dégage un fort rayonnement électromagnétique. Celle-ci serait cependant d'une puissance encore jamais observée. L'autre question en suspens est de savoir si les sursauts radio rapides se produisent toujours par séquences, comme dans le cas détecté à McGill, ou si d'autres sont vraiment formés d'une seule impulsion, comme on le pensait auparavant. « Est-ce qu'il existe un seul phénomène qui émet de signaux radio rapides, ou y en a-t-il plusieurs ? On ne le sait pas encore », dit Paul Scholz.

DES SIGNAUX EXTRATERRESTRES ?

Les répétitions radio détectées pourraient-elles avoir été émises par des extraterrestres cherchant à communiquer ? Paul Scholz en doute fort. Des indices laissent penser que les signaux ne proviennent pas de notre galaxie, mais d'au-delà. Or, pour nous parvenir, il faut qu'ils aient été produits par un événement cosmique d'une ampleur absolument gigantesque.

« L'énergie requise pour générer ces sursauts est bien au-delà de ce qu'on imagine qu'une vie extraterrestre puisse produire », dit l'étudiant. M. Scholz espère que l'intérêt suscité par la découverte permettra d'obtenir du temps d'observation sur les grands télescopes de la planète afin d'obtenir davantage de données sur les sursauts radio.

« Ce n'est que depuis cinq ou dix ans que la technologie nous permet d'étudier de tels phénomènes, dit M. Scholz. J'ai l'impression qu'on en saura beaucoup plus d'ici cinq à dix ans. »

Photo Seth Shostak, archives Associated Press/SETI Institute

Pour étudier les sursauts radio rapides, Paul Scholz, doctorant à l’Université McGill, a fouillé des données recueillies par le radiotélescope Arecibo, de Porto Rico, le plus grand du genre au monde.