Pourquoi fait-il beaucoup plus chaud dans l'atmosphère du Soleil qu'à sa surface? Des chercheurs français pensent avoir percé le mystère qui intrigue les physiciens depuis un siècle: tout viendrait d'une couche superficielle de matière qui jouerait les «casseroles en ébullition».

D'une épaisseur de 1500 kilomètres sous le Soleil, elle serait responsable de la création d'un champ magnétique à petite échelle qui ferait naître une sorte de «végétation magnétique», assure une étude publiée mercredi dans la revue Nature.

Cette végétation, aux formes «de troncs d'arbres et de racines», selon la description des chercheurs, fournirait l'énergie permettant le chauffage des couches successives de l'atmosphère solaire.

Cette théorie inédite et hardie est avancée par trois astrophysiciens français qui ont bâti un modèle visant à expliquer l'ensemble du phénomène. «C'est un sujet très chaud. Il va y avoir des débats», prédit à l'AFP Tahar Amari, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et coauteur de l'étude.

Actuellement, la communauté scientifique cherche activement à comprendre «le mystère de la couronne solaire», en s'appuyant notamment sur des images du Soleil recueillies par des satellites.

Au coeur de l'astre, siège de réactions nucléaires, la température est de 15 millions de degrés. Puis elle décroît progressivement et à sa surface, elle n'est plus que de 6000 degrés.

Mais la température se remet ensuite à monter, suscitant la perplexité des scientifiques. Car normalement, plus on s'éloigne d'une source de chaleur, plus la température devrait baisser. Au niveau de la chromosphère, couche située dans la basse atmosphère, la température grimpe jusqu'à 10 000 degrés environ. Puis elle bondit pour atteindre 1 million de degrés dans la couronne, la partie la plus externe de l'atmosphère solaire.

«Cela veut dire qu'il y a une source d'énergie qui apporte de la chaleur et permet de maintenir la couronne à cette température élevée», souligne M. Amari.

«Poivre et sel»

Des observations récentes ont montré l'existence de plusieurs phénomènes tels que des jets de gaz éphémères ou des «tornades», connectant le bas de l'atmosphère et la couronne. «Certains chercheurs ont pu croire avoir trouvé la source unique de chauffage. Mais ces phénomènes ne dégagent pas assez d'énergie pour expliquer la température de la couronne», souligne M. Amari.

Depuis leurs laboratoires de l'École Polytechnique et du CEA (Commissariat à l'énergie atomique), les chercheurs se sont intéressés aux très nombreuses petites taches «poivre et sel» qui parsèment le Soleil, à côté des grandes taches responsables des éruptions solaires.

«Ces taches poivre et sel sont des sections de tout petits champs magnétiques», explique M. Amari.

Le trio a centré ses travaux sur une petite couche allant jusqu'à 1500 kilomètres sous la surface du Soleil.

«Cette fine couche se comporte comme une casserole contenant du plasma en ébullition chauffé par le bas», déclare M. Amari. Des «granules» apportant de la matière chaude remontent, libèrent leur énergie, puis retombent sur les bords, une fois refroidis.

«Il se crée un phénomène dynamo qui amplifie et maintient le champ magnétique qui émerge de la surface».

D'après les calculs des chercheurs, dans la chromosphère, le chauffage de l'atmosphère proviendrait de microéruptions multiples qui libèrent de l'énergie.

Le chauffage de la couronne serait lui assuré par des ondes qui seraient générées à la fois par ces microéruptions et par des éruptions plus importantes.