Une première «pêche» très prometteuse: le nouvel instrument Muse installé sur le Très Grand Télescope (VLT) au Chili, qui permet de voir l'Univers en trois dimensions, a déjà découvert 26 galaxies très lointaines que le télescope spatial Hubble n'avait pas repérées.

«C'est fantastique. Cela montre que nous avons construit une machine extrêmement performante qui va nous permettre d'apprendre beaucoup de choses», déclare à l'AFP Roland Bacon, chercheur français responsable de ce nouvel outil.

Muse (Multi Unit Spectroscopic Explorer) est un instrument de haute technologie, qui fait à la fois de l'imagerie et de la spectrographie (étude de la décomposition de la lumière), en 3D. À partir des nombreux spectres obtenus, il est possible de connaître la distance, la composition chimique et les mouvements de galaxies lointaines.

Lancé il y a plus de dix ans, le projet est porté par sept laboratoires européens et piloté par le Centre de recherche astrophysique de Lyon, où travaille M. Bacon.

Physiquement, Muse n'a rien d'une beauté. Il pèse cinq tonnes et «ressemble un peu à une méduse», avec ses tuyaux de refroidissement destinés à maintenir une température très basse, convient M. Bacon, directeur de recherche au CNRS, coauteur d'un article sur le sujet qui vient de paraître dans Astronomy & Astrophysics.

Mais Muse inspire les astronomes. Il vient de «leur offrir la meilleure image en trois dimensions jamais réalisée de l'Univers profond», souligne l'Observatoire austral européen (ESO) dans un communiqué. Le Très Grand Télescope de l'ESO est situé dans le désert chilien d'Atacama à plus de 2600 mètres d'altitude.

En juillet dernier, Muse a pointé pendant 27 heures (réparties sur quatre nuits) une région de l'Univers lointain (dite «champ profond») déjà explorée à la fin des années 1990 par le télescope spatial Hubble.

Des galaxies par milliers

Fruit d'une collaboration entre la NASA et l'Agence spatiale européenne, Hubble, lancé dans l'espace en 1990, a fait des prouesses pour explorer ces profondeurs, mais il ne fournit que des images. Ensuite, il faut examiner une à une les galaxies et les objets qu'il a dénichés pour analyser leur lumière par spectrographie. «En 20 ans, les astronomes ont pu analyser seulement 18 objets se trouvant dans ce champ profond alors que Hubble en avait repéré plus de 500», relève M. Bacon.

«Nous, en moins de trente heures d'observation, nous avons pu analyser 189 objets, soit dix fois plus. Nous avons pêché beaucoup de poissons. Nous avons trouvé toute une variété de galaxies, certaines plutôt proches, d'autres très lointaines».

La plupart de ces galaxies se trouvaient sur les images de Hubble, mais l'équipe en a trouvé 26 qui sont «tellement faibles et lointaines» que le télescope spatial ne les avait pas vues.

«Cela ouvre des perspectives», souligne le chercheur. L'équipe cherche à mieux comprendre comment les galaxies se sont formées et comment elles ont évolué. Les premières observations de Muse ont permis de remonter jusqu'à un peu plus de 12 milliards d'années alors que l'âge estimé de l'Univers est de 13,7 milliards d'années.

«Nous recherchons des galaxies en train de se former. Elles sont très peu massives et fabriquent beaucoup d'étoiles jeunes qui sont très brillantes».

L'équipe de Muse s'intéresse moins aux galaxies massives, aux «monstres» brillants que l'on repère plus facilement, mais «qui ne sont pas du tout représentatifs de notre galaxie», souligne M. Bacon. «Nous voulons regarder la population normale des galaxies, car la nôtre est tout à fait standard».

Après ce coup d'essai réussi, Muse, qui a coûté 22 millions d'euros, a commencé à observer de façon beaucoup plus vaste et plus systématique une autre région observée par Hubble.

«Au lieu de quelques centaines de galaxies, nous allons en observer des milliers», dit M. Bacon. «Cela va nous permettre de mieux comprendre leur évolution et donc celle de l'Univers».

Mais Hubble reste indispensable: opérant depuis l'espace, il offre une qualité d'image que l'on ne peut pas réaliser au sol en raison de l'atmosphère.