L'Observatoire du Mont-Mégantic ne fermera pas ses portes. Pressé hier par l'opposition et le milieu scientifique de sauver le seul grand observatoire astronomique du Québec, le gouvernement fédéral a annoncé in extremis qu'il débloquera 500 000$ pour assurer la survie des installations.

«Notre gouvernement s'est engagé à financer l'Observatoire du Mont-Mégantic afin qu'il demeure accessible à tous les Canadiens», a confirmé Jake Enwright, l'attaché de presse du ministre de l'Industrie, James Moore, en fin de journée hier.

L'Observatoire du Mont-Mégantic (OMM) avait annoncé hier qu'il devait fermer ses portes le 1er avril prochain, faute de fonds pour poursuivre ses activités. L'affaire a soulevé un important tollé hier tant à Québec qu'à Ottawa et provoqué de vives réactions sur les réseaux sociaux.

Des sources gouvernementales ont indiqué que le fédéral épongerait le manque à gagner de l'Observatoire, évalué cette année à 500 000$. Ottawa évoque une solution «à moyen terme», mais n'a pas fourni de détails sur le financement qui sera fourni au cours des prochaines années.

«Journée folle»

«Ç'a été une journée complètement folle. Nous sommes satisfaits, mais malgré tout, la situation de l'Observatoire demeure précaire. Nous cherchons une solution prévisible qui nous assurera un financement à long terme», a commenté hier Olivier Hernandez, directeur des opérations de l'OMM.

La décision du fédéral permet de sauver six emplois directs, surtout des postes de technicien. Selon le directeur de l'OMM, René Doyon, quatre autres emplois étaient aussi menacés. Une fermeture aurait également privé les Québécois et les Canadiens d'une infrastructure unique au Québec pour mettre leurs idées à l'épreuve et acquérir une expertise susceptible de les mener dans les grands observatoires de la planète comme ceux du Chili et d'Hawaii.

Soutien du public

M. Hernandez s'est dit «surpris» et «touché» de la réaction du grand public envers l'Observatoire. «Sur les réseaux sociaux, hier, je n'arrivais plus à suivre le fil. Des gens qui n'ont rien à voir avec l'Observatoire nous ont appelés pour nous offrir leur soutien. On se rend compte que la population tient à l'Observatoire, et ça nous poussera à l'avenir à communiquer davantage et à diffuser notre savoir», a déclaré M. Hernandez.

M. Hernandez a soutenu que l'annonce de fermeture n'était pas un coup de «bluff» destiné à faire fléchir les gouvernements.

«Nous n'avions plus de financement pour continuer, c'était la seule décision possible», dit-il.

Financement amputé

Les problèmes de l'Observatoire remontent à 2009, lorsque le gouvernement Harper a modifié les critères de financement du Conseil naturel en sciences et en génie du Canada (CRSNG) afin de favoriser les projets de science appliquée au détriment de la science fondamentale. L'OMM a alors perdu sa plus grande source de financement.

L'Observatoire a réussi à se maintenir à flot en cognant à plusieurs portes, dont celle de Christian Paradis, député de Mégantic-L'Érable et alors ministre de l'Industrie.

«Ç'a été un pansement pour deux ans», dit René Doyon, directeur de l'Observatoire.

L'Université de Montréal et l'Université Laval, propriétaires de l'Observatoire, ont aussi gratté leurs fonds de tiroirs pour soutenir ses activités, mais le contexte budgétaire difficile ne leur permettait plus de le faire.

L'an dernier, l'Observatoire s'est vu refuser une subvention de la Fondation canadienne pour l'innovation parce qu'il n'est pas considéré comme une «installation de recherche nationale».

«On pourra débattre longtemps si nous sommes seulement un petit télescope sur la montagne, a lancé le directeur de l'OMM, René Doyon. Mais il est clair depuis longtemps que nous avons une empreinte nationale et même internationale.»

Un observatoire remis à neuf

Ironiquement, l'Observatoire qui menaçait de fermer ses portes est à la fine pointe de la technologie. Alors qu'il peinait à trouver de l'argent pour ses activités, il a en effet réussi à décrocher une subvention de 11,7 millions en 2010 de la Fondation canadienne de l'innovation, du gouvernement du Québec, de l'Université de Montréal et de l'Université Laval pour se doter de nouveaux équipements et mettre ses infrastructures à niveau.

«C'est vraiment paradoxal et très frustrant. On n'a jamais été aussi performants, mais on n'a pas d'argent pour faire fonctionner nos nouveaux équipements», avait confié le directeur, René Doyon, avant l'annonce in extremis du fédéral. Il avait alors dénoncé le fait que le fonctionnement de l'observatoire «n'entre dans aucune des cases» des programmes de financement.

«Comme chercheur, je suis mal à l'aise d'aller cogner à la porte d'un ministre, avait-il confié. Ce n'est pas comme ça qu'on devrait financer la science. Il devrait y avoir une enveloppe pour laquelle les meilleurs projets se concurrencent.»

Quelques avancées scientifiques de l'OMM

La première photo d'une exoplanète

En 2008, les astrophysiciens Christian Marois, David Lafrenière et René Doyon sont les premiers à prendre une photo d'une exoplanète, c'est-à-dire une planète qui n'appartient pas à notre système solaire. Ils réussissent leur exploit grâce à une technique inédite, l'imagerie angulaire différentielle, qui a été développée et testée à l'Observatoire du Mont-Mégantic.

Quand la NASA appelle le Québec

Dans le monde de l'astronomie, on sait que l'on vient d'accoucher de quelque chose d'important quand la NASA vous appelle parce qu'elle veut se procurer votre invention. C'est ce qui est arrivé en 2009 à Olivier Daigle, alors étudiant au doctorat en astrophysique. Le nouveau type de caméra qu'il a mis au point est alors le plus sensible au monde. Testée à l'Observatoire du Mont-Mégantic, la découverte a donné naissance à l'entreprise Nüvü Caméras, dont M. Daigle est aujourd'hui vice-président et chef de la technologie.

Des instruments québécois dans l'espace

Au cours des dernières années, l'Observatoire du Mont-Mégantic a profité de sa subvention de 11,7 millions de dollars pour mettre au point de nouveaux instruments astronomiques. Plusieurs de ces instruments sont aujourd'hui utilisés sur le télescope Canada-France-Hawaii, l'un des plus puissants au monde. Ils équiperont aussi le télescope spatial James-Webb, qui sera lancé dans l'espace en 2018 pour remplacer le légendaire Hubble.

- Avec Joël-Denis Bellavance