Philae est en difficulté. La sonde, qui s'est posée sur la comète Tchouri mercredi matin, a manqué son lieu d'atterrissage d'un kilomètre, à cause d'un problème avec les harpons qui devaient pallier la faible gravité - 100 000 fois moins que sur Terre. Elle est dans l'ombre et pourrait passer de vie à trépas d'un jour à l'autre, selon l'Agence spatiale européenne (ESA).

«Ce n'est pas une catastrophe, l'ESA estime avoir fait 80 % de la mission scientifique, explique Sébastien Guillot, astrophysicien à l'Université McGill. L'un des instruments qui ne sera pas déployé pourrait déstabiliser Philae et l'autre est l'analyseur d'un échantillon de forage qui pourra peut-être transmettre ses données vendredi soir ou samedi.»

Décision difficile

Philae a été éjectée de l'orbiteur Rosetta, qui a rejoint Tchouri entre Mars et Jupiter cet été, 10 ans après son lancement. Rosetta, qui relaie les données recueillies par Philae, se trouve de l'autre côté de la comète plusieurs heures chaque jour, laissant l'atterrisseur incommunicado. L'ESA a hésité à faire le forage, de peur de déstabiliser Philae (seules deux de ses trois pieds sont posés sur la comète), mais a décidé de jouer le tout pour le tout parce que ses batteries pourraient rendre l'âme définitivement.

«Il était toujours entendu que Philae pourrait être éjectée de la comète à cause d'un dégazage, à mesure qu'elle se rapproche du Soleil, dit M. Guillot. Mais la situation est plus compliquée parce que Philae n'a que 10 à 15 % de l'ensoleillement prévu. Il doit passer beaucoup de temps en hibernation et ses batteries pourraient baisser sous le niveau permettant d'entrer en hibernation pour en ressortir. L'ESA évalue si le niveau d'ensoleillement augmentera à mesure que la comète se rapproche du Soleil, pour voir s'il y a lieu de procéder à une hibernation de quelques semaines. Il faut calculer la topographie de la comète, ses mouvements.»

Les premiers résultats d'analyse ne seront pas disponibles avant la semaine prochaine au plus tôt, et encore en version très préliminaire. Rosetta est un programme de 1,3 milliard d'euros (1,8 milliard CAN) et est la deuxième sonde à visiter une comète. La première, la sonde américaine Deep Impact en 2005, avait foncé sur une comète pour que la collision soit analysée par des télescopes terrestres.

Une suspension et deux harpons

L'ESA a appris d'une mission japonaise similaire, Hayabusa, qui en 2005 n'a pas réussi à faire atterrir la sonde Minerva sur un astéroïde de taille similaire, Itokawa. Minervaa été déployée alors que l'orbiteur Hayabusa s'éloignait d'Itokawa. Comme elle ne disposait pas de propulsion, Minerva s'est perdue dans l'espace. Philae, elle, avait des petites fusées pour ajuster son approche. Pour faire bonne mesure, l'ESA a aussi ajouté une suspension pour amortir le choc et deux harpons qui devaient être lancés dans le sol après l'atterrissage. Ces deux mesures n'ont visiblement pas suffi.

En chiffres

> 1 h 50 min: Temps écoulé entre le 1er et le 2e atterrissage de Philae

> 7 min: Temps écoulé entre le 2e et le 3e atterrissage de Philae