Le robot Philae a commencé jeudi à recueillir des images spectaculaires de la comète «Tchouri», malgré une position inconfortable, une patte «en l'air» et dans l'ombre, ce qui risque de diminuer l'efficacité de ses batteries solaires.

Largué à plus de 500 millions de km de la Terre par la sonde européenne Rosetta, après dix ans de voyage avec elle, l'atterrisseur s'est posé mercredi sur le noyau de la comète «Tchouri», tout d'abord à l'endroit prévu. Mais les harpons qui devaient l'arrimer au sol n'ont pas fonctionné et Philae a fait pendant près de deux heures «un énorme bond», d'environ un kilomètre, a expliqué jeudi Stephan Ulamec, responsable de l'atterrisseur.

Le robot a fait ensuite un plus petit saut, beaucoup plus court, avant de finalement se stabiliser sur la comète, a-t-il ajouté lors d'un point de presse à l'Agence spatiale européenne (ESA) à Darmstadt (Allemagne). «Il y a eu une inflation d'atterrissages», a-t-il plaisanté.

«Nous comprenons mieux comment nous avons atterri, mais nous ne savons pas encore exactement où», a-t-il dit.

L'atterrisseur n'est pas arrimé à la surface de la comète Tchourioumov-Guérassimenko, mais les instruments fonctionnent et envoient des images et des données.

Elles montrent qu'il se trouve sur une pente inclinée, «presque à la verticale», avec une de ses trois pattes «à l'air ou plutôt tournée vers l'espace», selon Jean-Pierre Bibring, responsable scientifique de l'atterrissage.

Le petit robot se trouve à côté d'une sorte de falaise menaçante. «Nous sommes à l'ombre et c'est une partie du problème», a admis M. Bibring. Philae ne reçoit qu'une heure et demie de soleil par jour au lieu des six ou sept heures nécessaires au bon fonctionnement de ses batteries solaires.

Pas de forage pour l'instant

Philae est équipé d'une pile qui doit durer «50 à 55 heures», selon Philippe Gaudon, chef du projet Rosetta au Centre national d'études spatiales (CNES) à Toulouse. Elle «fonctionne bien et lui fournit de l'énergie».

Ensuite, il est prévu que ses panneaux solaires prennent le relais pour alimenter des batteries rechargeables et poursuivent le travail à un rythme très ralenti.

Mais l'endroit peu ensoleillé où se trouve le robot risque de poser problème. Cela écourtera peut-être son fonctionnement. En revanche, ses panneaux solaires ne semblent pas endommagés.

«Nous pourrions essayer de mieux orienter» ces panneaux, a dit M. Bibring.

En attendant, Philae travaille bravement. Huit instruments scientifiques sur dix ont été activés. Le robot laboratoire s'est mis à radiographier l'intérieur de la comète, à étudier son magnétisme, à faire des images du sol, à analyser les molécules complexes dégagées par la surface.

Le robot est chargé notamment de trouver sur le noyau de la comète des molécules organiques qui ont pu jouer un rôle dans l'apparition de la vie sur Terre, les comètes étant les objets les plus primitifs du système solaire.

L'une de ses missions principales était d'aller forer le sol pour prélever un échantillon afin de l'analyser.

Ce n'est pas prévu pour l'instant. «Nous sommes hésitants pour le moment à entreprendre ces forages (...). C'est dangereux parce que nous risquons de déséquilibrer l'atterrisseur», a précisé M. Ulamec.

Il faudrait «une tension des harpons pour compenser la force de forage, sinon l'atterrisseur risque de se soulever», a relevé M. Gaudon. «Notre priorité est de continuer à faire des analyses scientifiques sans rien bouger» pour l'instant.

Les responsables de la mission n'excluent toutefois pas de faire faire ultérieurement une manoeuvre à Philae pour le repositionner.

Au départ, il était prévu que Philae fonctionne jusqu'en mars. Il entrera peut-être «en hibernation» et qui sait, «il se réveillera peut-être dans quelques mois», a avancé M. Ulamec. Il mourra ensuite de chaleur, lorsque la comète se rapprochera du Soleil.

Mais la mission Rosetta sera loin d'être terminée. La sonde, qui a déjà parcouru 6,5 milliards de km dans l'espace, poursuivra son escorte de «Tchouri» au moins jusqu'au 13 août. C'est à cette date que la comète passera au plus près de l'astre.

L'atterrissage sur une comète est une première dans l'histoire de l'exploration spatiale, point d'orgue d'une aventure entamée il y a 20 ans, qui a coûté 1,3 milliard d'euros.

«Ce qui est vraiment impressionnant, ce n'est pas le degré d'échec, mais le degré de succès», a tenu à souligner M. Bibring.