Virgin Galactic a «ignoré» des consignes de sécurité au cours des années qui ont précédé l'accident mortel de son vaisseau SpaceShipTwo vendredi dans le désert californien, a prévenu dimanche une experte de l'espace, alors que l'enquête pour déterminer les causes de l'écrasement pourrait durer un an.

«Je les ai avertis que le moteur de la fusée était potentiellement dangereux», a déclaré à l'AFP Carolynne Campbell, spécialiste des fusées de lancement à l'Association internationale pour la promotion de la sécurité spatiale (IAASS), basée aux Pays-Bas.

Mme Campbell a toutefois souligné qu'elle ne pouvait pas commenter l'accident de vendredi, ne disposant pas de «toutes les données».

Le vaisseau SpaceShipTwo s'est écrasé au cours d'un vol d'essai dans le désert de Mojave, au nord-est de Los Angeles, après s'être séparé de son avion de lancement WhiteknightTwo.

La nouvelle formule de carburant --à base de plastique au lieu de caoutchouc-- utilisée pour la navette a été évoquée, et des médias ont rapporté que Virgin Galactic avait été mis en garde à plusieurs reprises sur la sécurité de ce nouveau combustible.

Le Bureau national de la sécurité dans les transports (NTSB) a ouvert une enquête officielle qui pourrait durer un an.

Mme Campbell a indiqué avoir envoyé en 2009 des copies d'un article scientifique rédigé pour l'IAASS concernant les dangers du système de propulsion de la fusée de lancement «à différentes personnes de Virgin Galactic, mais il a été ignoré».

Elle a de nouveau formulé une mise en garde à Virgin Galactic lors d'une conversation téléphonique, mais en vain, a-t-elle rapporté.

Le drame de vendredi n'était pas le premier pour Virgin Galactic. En 2007, trois ingénieurs avaient trouvé la mort dans l'explosion d'une fusée destinée à SpaceShipTwo à la base de Mojave.

Le patron de Virgin Richard Branson avait samedi anticipé et critiqué les spéculations sur les causes de l'accident. «Je trouve quelque peu irresponsable que des gens, qui ne savent pas de quoi ils parlent, s'expriment là-dessus avant que le NTSB ne rende ses observations», avait-il affirmé.

«Pas une surprise»

Citée également dans le journal britannique Sunday Telegraph, Mme Campbell a ajouté: «Cette explosion n'est pas une surprise. Pas du tout, je suis désolée de le dire. C'est exactement ce à quoi je m'attendais».

L'accident a entraîné la mort du pilote, Michael Alsbury, et blessé grièvement son co-pilote, Pete Siebold, qui était toutefois «éveillé» dimanche et parvenait à parler à sa famille, selon l'employeur des deux hommes, la société d'ingénierie aérospatiale Scaled Composites.

«La sécurité a toujours été notre priorité», avait affirmé samedi M. Branson, ajoutant que Virgin n'allait «pas continuer aveuglément» son rêve de tourisme spatial.

Tom Bower, auteur d'une biographie de Branson, a rapporté samedi sur la radio BBC que plusieurs ingénieurs de Virgin Galactic avaient quitté la société ces dernières années en raison de leurs inquiétudes sur la sécurité, notamment après l'accident mortel de 2007.

«Tous les ingénieurs en Californie auxquels j'ai parlé qui travaillent sur le projet ont dit que c'était très dangereux», a rapporté M. Bower.

Selon des témoins, il n'y a pas eu d'explosion quand le vaisseau SpaceShipTwo s'est séparé de son avion de lancement à une altitude de 45 000 pieds (13 700 mètres). Mais douze minutes après, le vaisseau a «souffert d'une grave anomalie qui s'est traduite par sa destruction».

Des experts ont estimé que cet accident et l'explosion, quelques jours auparavant, de la fusée Antares qui devait ravitailler la Station spatiale internationale, mettaient sérieusement à mal l'avenir du tourisme dans l'espace.

Des centaines de personnes et célébrités ont déjà pris des réservations pour un vol suborbital de quelques minutes à bord de SpaceShipTwo, à 250 000 dollars le billet.

Mais si l'accident devait en refroidir certains, M. Branson a promis de rembourser ceux qui le souhaiteraient.

Christopher Hart, le président par intérim du Bureau national de la sécurité dans les transports (NTSB) a indiqué samedi que «l'enquête complète pourrait durer jusqu'à douze mois».

Les débris du vaisseau sont disséminés sur une zone de huit kilomètres de long, laissant supposer que l'appareil s'est désintégré en vol.