Un rapport de l'Académie américaine des sciences épingle le programme d'exploration spatiale habitée de la Nasa, qu'elle considère voué à l'échec, et la perte de la dominance des États-Unis dans l'espace, préconisant de retourner sur la Lune avant de conquérir Mars.

«La poursuite de la présente approche de la Nasa, qui développe un système de lancement et un vaisseau pour voler au-delà de l'orbite terrestre tout en continuant à exploiter quasiment seule la Station spatiale internationale (ISS) jusqu'à la moitié des années 2020, le tout avec un budget ne couvrant pas l'inflation, est une invitation à l'échec et aux désillusions», écrivent les auteurs de ce document de 286 pages produit par le National Research Council.

L'agence spatiale américaine ne donne pas de calendrier, mais sa principale ambition est d'envoyer des astronautes capturer un astéroïde avant d'aller sur Mars.

En outre, juge ce comité d'experts indépendants, cette situation «peut aussi faire perdre la perception internationale de longue date selon laquelle les États-Unis sont la nation spatiale dominante».

«Les États-Unis sont leaders dans l'exploration humaine de l'espace depuis plus de 50 ans et nos activités en orbite terrestre avec nos partenaires touchent à leur fin avec l'achèvement de l'ISS», souligne Jonathan Lunine, directeur du Centre de recherche spatiale à l'Université Cornell, co-président du comité qui a rédigé le rapport.

«En tant que nation nous devons décider maintenant comment nous engager dans l'exploration spatiale habitée au-delà de l'orbite terrestre d'une manière durable», ajoute-t-il.

«Tous les programmes spatiaux de nos partenaires potentielles tendent vers cet objectif», souligne le scientifique.

Mais faire avancer l'exploration humaine de l'espace lointain nécessitera des décennies et des centaines de milliards de dollars, estime le rapport.

Coopérer avec la Chine

Bien que les auteurs ne fassent pas de recommandation budgétaire particulière, ils estiment qu'il n'y a aucune possibilité d'aller sur Mars avec le budget américain actuel.

«Notre comité a conclu que tout programme d'exploration habitée exigera non seulement un budget adéquat, mais aussi un soutien des dirigeants de la nation», insiste Mitchell Daniels, président de l'Université Purdue, co-président du comité d'experts, dans une critique du président Barack Obama et du Congrès.

«Un tel engagement ne peut pas changer de direction avec chaque élection, car nos dirigeants sont essentiels pour la mise en oeuvre des investissements durables du pays dans les vols spatiaux habités», juge-t-il.

Le rapport estime que le succès d'un tel programme nécessite un consensus national sur l'objectif et une coopération internationale, y compris avec la Chine, considérée par Washington comme un rival.

Les auteurs avancent également trois approches potentielles pour conquérir Mars, dont deux prévoient un retour préalable des Américains sur la Lune.

Ils estiment que retourner sur le sol lunaire favorisera une coopération internationale, étant donné l'intérêt que cette destination suscite chez d'autres nations. De plus cela permettrait de mettre au point des technologies d'atterrissage et des modules d'habitation utiles pour de futures missions martiennes.

L'administration Obama a aussi retenu une mission vers un astéroïde avant d'aller sur Mars. M. Obama avait abandonné l'idée d'un retour sur la Lune en 2010, jugée trop coûteuse, qui figurait dans le programme de conquête de la planète rouge de son prédécesseur George W. Bush.

Mais ces experts estiment que capturer un astéroïde nécessitera de nombreuses technologies sans utilité pour aller sur Mars.

Réagissant à ce rapport, la Nasa a assuré «avoir déjà fait d'importants progrès pour aller sur Mars et qu'elle continuera dans cette direction».

«Ce rapport est probablement le plus franc quant au fait que nous n'avons pas d'objectif clairement énoncé dans notre programme d'exploration spatiale habitée», avoue aussi à l'AFP John Logsdon, ancien directeur du Space Policy Institute à Washington. «Je ne pense pas que ce rapport change quoi que ce soit», regrette-t-il aussi.